Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/789

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grâce à ces ressources et à ces expédiens, on parvint à mettre la France sur le pied de guerre. Mais dans combien de places fortes les travaux étaient interrompus faute d’argent! combien de soldats portaient des effets hors de service! combien de gardes nationaux déjà embrigadés attendaient, inutiles et mécontens, qu’on leur donnât des fusils! Le 12 juin, il n’y avait pour la garde impériale et les cinq corps d’armée sous les ordres immédiats de l’Empereur que 1 000 paires de souliers de rechange. La gratification d’entrée en campagne n’était point payée, et, alors que la solde devait s’élever à 5 millions par mois, il y avait seulement 670 000 francs dans le Trésor de l’armée. Les ressources extraordinaires (encaisse laissée par le baron Louis et produit de l’aliénation des 3 600 000 francs de rente) étaient épuisées et les recettes régulières commençaient à diminuer. Si opposés que fussent l’Empereur et ses conseils aux mesures d’exception, il fallait s’y résigner, car les dépenses prévues par Davout pour le seul mois de juillet s’élevaient à 72 millions. Dans le budget présenté aux Chambres le 19 juin, figurait donc un emprunt national de 150 millions, garanti par les bois de l’État. Tous les contribuables devaient souscrire pour une somme égale au principal de leurs taxes foncière et mobilière[1]. C’était l’emprunt forcé.


III

L’Empereur n’attendit même pas le commencement de la mobilisation pour organiser les corps d’armée. Grâce à la concentration sous Paris ordonnée par le gouvernement royal, aux nombreux régimens qui s’étaient réunis depuis Grenoble au Bataillon de l’île d’Elbe, enfin aux fortes garnisons des villes frontières du Nord et de l’Est, Napoléon, aussitôt après sa rentrée aux Tuileries, se trouva avoir en quelque sorte dans la main plus de la moitié des disponibles de l’armée. Pour être prêt à tout événement, il s’empressa dès le 26 mars d’ordonner la formation de 8 corps d’observation. Le 1er dut se réunir à Lille; le 2e à Valenciennes ; le 3e à Mézières; le 4e à Thionville; le 5e à Strasbourg; le 6e à

  1. Peu après la seconde rentrée des Bourbons, un emprunt absolument identique, sauf qu’il était de 530 millions de moins, fut ouvert ou plutôt imposé d’après le conseil du baron Louis.