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Guerre n’a pas obtenu un succès aussi complet. Des hommes compétens croyaient possible de trouver dans les corps d’Afrique tous les élémens nécessaires à la constitution le corps expéditionnaire de Madagascar. M. le général Mercier a déclaré qu’ils se trompaient, et que 4 000 hommes devaient être pris dans l’armée continentale. Il a eu le tort d’entourer son affirmation de phrases un peu trop oratoires sur le devoir militaire qui est le même pour tous, et sur la nécessité morale d’associer l’armée tout entière à chacune de nos expéditions. La Chambre s’est inclinée : elle n’a pas voulu, sur une question technique, substituer sa responsabilité à celle du ministre. Toutefois, elle a eu le sentiment très net que le prélèvement qui va être opéré sur l’armée continentale sera pour celle-ci un affaiblissement ajouté à un autre. 4 000 hommes sont peu de chose dans une armée qui en compte aujourd’hui 570 000 sous les drapeaux : tel est du moins le chiffre qu’a donné M. le général Mercier. Mais on sait que la libération anticipée de deux classes a déjà privé l’armée d’hommes valides et exercés et porté un trouble fâcheux non seulement dans la composition actuelle mais dans le renouvellement prochain des cadres inférieurs. Les 4 000 hommes à envoyer à Madagascar seront des volontaires ayant au moins une année de service. Ce sont donc encore les meilleurs soldats de l’armée qui vont disparaître, ceux sur lesquels on pouvait compter pour fournir des sous-officiers à défaut des libérés d’hier. C’est le côté grave de la question : aucune rhétorique ne peut le dissimuler. Voilà pourquoi M. le ministre de la Guerre n’a pas eu le même succès personnel que ses collègues, bien que des dissidences partielles n’aient point entamé l’union qui s’est produite autour du gouvernement, pour voter l’expédition et lui laisser le soin de la préparer.


On a parlé de l’Extrême-Orient dans ce débat, et non sans raison. Les événemens qui s’y déroulent sont assurément de nature à attirer toute l’attention des grandes puissances. La prise de Port-Arthur par les Japonais, après avoir été plusieurs fois annoncée d’une manière prématurée, est aujourd’hui un fait accompli. Le grand arsenal du Petchili est tombé entre les mains de l’ennemi, sans que l’armée chinoise ait fait un effort bien considérable pour le sauver. On avait parlé d’abord de pertes énormes éprouvées de part et d’autre ; en fin de compte, il y a eu 2 000 Chinois hors de combat et 350 Japonais. Les Chinois se sont enfuis, sans même prendre le temps de détruire l’immense armement et les approvisionnemens militaires qui existaient dans la place, et dont les Japonais se sont emparés. Les Chinois sont complètement démoralisés, et, dans l’impuissance de se défendre plus longtemps, ce qu’ils ont de mieux à faire est de demander la paix. La médiation des États-Unis, sur laquelle ils ont compté pendant quelques jours, n’avait aucune chance de réussir et a effectivement