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n’est pas par occupation partielle des côtes, que nous arriverons jamais à réduire les Hovas. L’épreuve est faite, nous serions bien malavisés de la recommencer. L’occupation partielle peut s’expliquer et se défendre, mais à la condition, après avoir pris les points les plus intéressans de Madagascar, d’abandonner résolument tout le reste de l’île sans plus se préoccuper de ce qu’y font les Hovas que les Anglais, à Gibraltar, ne se préoccupent de ce que font les Espagnols en Espagne. On voit tout de suite les inconvéniens de cette solution, qui aurait été de notre part la renonciation au protectorat ; du moins elle était logique, et tout ce qui est logique peut se soutenir. Mais elle n’a pas été proposée, et la Chambre a eu à choisir entre l’évacuation totale que presque personne ne voulait, l’occupation partielle comme moyen de guerre, moyen certainement inefficace et sans terme assignable, et enfin l’expédition sur Tananarive. Pouvait-elle hésiter longtemps?

M. Hanotaux s’est fait beaucoup d’honneur dans cette discussion, où il a apporté une parole toujours nette et précise et, finalement, vive et pleine de nerf. M. Etienne lui a donné Richelieu pour modèle: on ne saurait mieux choisir, et nos lecteurs savent avec quel talent M. Hanotaux a commencé d’écrire la vie de l’illustre cardinal. Richelieu s’est le premier occupé de Madagascar : les historiens rapportent à son initiative l’origine de la question que nous allons enfin résoudre. Pourtant, Richelieu n’a pas fait une expédition militaire à Tananarive ; il ne s’est jamais mis dans l’obligation d’aller jusque-là ; et, quand on étudie de près sa manière, on reconnaît tout de suite que son grand art a été de ménager constamment ses forces et de faire battre les autres à son profit. Nous avons un peu oublié le secret de cette politique, mais il n’est pas perdu, puisque d’autres ont trouvé si souvent le moyen de nous faire battre pour eux. On ne s’attendait guère à voir Richelieu en cette affaire : nous avouons franchement ne pas savoir ce qu’il ferait aujourd’hui, et peut-être M. Hanotaux, qui le connaît si bien, n’en sait-il pas davantage. Ce qui est sûr, c’est qu’après avoir généralement balancé beaucoup à prendre un parti et en avoir lentement pesé le pour et le contre, Richelieu montrait, quand il fallait agir, une décision, une vigueur une rapidité merveilleuses. On a vu des projets excellens tourner mal parce qu’ils étaient mal exécutés, et des projets médiocres tourner bien parce que l’exécution rachetait ce qu’ils avaient de défectueux. Le second cas n’est même pas plus rare que le premier. M. Hanotaux a paru savoir parfaitement ce qu’il voulait; il a montré de la décision dans l’esprit, et c’est par là qu’il a fait impression sur la Chambre. Nous en dirons autant de M. le président du Conseil qui, mis en demeure par M. Boucher (des Vosges), n’a pas hésité à poser la question de cabinet, et aussi de M. le ministre des Finances, qui a exposé avec une lucidité rare l’économie du procédé par lequel il compte faire face à la dépense de 65 millions que coûtera l’expédition. Seul, M. le ministre de la