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gens d’Église, de remèdes avec les médecins, de morale avec les philosophes, de plaisirs purs avec les jeunes gens, de belles petites histoires, belle novelette, aussi neuves que possible, avec les dames vertueuses.

Pour les voyages, il a tout prévu. On emportera double bagage, double bourse. On n’étalera jamais son argent. Il faut des chevaux qui ne soient ni blancs ni marqués d’un signe particulier. En quittant l’hôtellerie, on ne dira point le chemin qu’on va suivre. À l’occasion, il est utile de changer de nom et de vêtemens. Ne liez pas conversation avec les premiers venus. Un pont est toujours préférable à un gué. Pour les montagnes, il convient d’emporter des fourrures. On ne s’aventurera dans les cols qu’à l’heure recommandée par les gens du pays. On ne boira point à une fontaine sans s’être informé sur la nature de l’eau. En mer, autres affaires : un bon navire, un patron qui ne louche pas ; des poules et des chapons, de bons vins, un moulin à bras, un barbier, un médecin, un aumônier. Si l’on découvre au loin quelque navire suspect, il faut, sans retard, mettre le cap vers le rivage. « Enfin, dit Francesco, toujours en ses Préceptes d’amour, si vous naviguez avec votre femme à bord, munissez-vous d’un cercueil pour le cas où Madame mourrait en mer, d’une croix à lui mettre entre les mains, d’une inscription priant de l’enterrer honorablement si le flot la porte au rivage. Il y faudra joindre une bourse d’argent pour les messes funéraires et pour la tombe. »

Il est aisé de prévoir, dès à présent, le caractère dominant des nouvelles de maître Barberino : ce sont des moralités.

Elles inspirent l’horreur du péché et l’amour de la vertu. Elles étalent les conséquences lamentables non seulement du vice, mais de la simple galanterie, de la légèreté, de la coquetterie, de toutes les vanités mondaines. Elles sont écrites en langue sèche et claire, appuyées de témoignages et de preuves, presque toutes historiques et empruntées pour la plupart aux troubadours provençaux, dont notre conteur avait lu les ouvrages. On connaissait les nouvelles éparses dans le Reggimento, M. Antoine Thomas nous a révélé celles que renferme le manuscrit du Commentaire des Documens. Francesco, pour ajouter à l’autorité de son récit, paraît parfois lui-même comme témoin : « Je me souviens d’avoir rencontré une noble dame. » « Comme je me trouvais en cette abbaye, l’abbé, en me contant une histoire, me montra un jeune homme qui descendait des personnages dont il me parlait. » « En passant par l’Auvergne, on me fit voir près de Notre-Dame du Puy un château. » Il faut bien croire sur parole un narrateur si exact, même quand l’aventure a tout l’air d’un conte bleu. Telle est celle d’un chevalier savoyard à qui le roi d’Angleterre, séduit par la