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« que la bonne correspondance et la parfaite intelligence qui subsistent heureusement entre elles soient rendues inaltérables, s’engagent à s’entendre et à s’arranger sur le pied d’une convenance réciproque, juste et équitable… sur les différends territoriaux et autres objets qui pourraient troubler la tranquillité de l’Europe… comme aussi sur les objets qui pourraient intéresser en particulier le repos de l’Italie. La pensée était ainsi naturellement dirigée vers cette entente nouvelle et déjà préparée, dont l’une des conséquences, les plus chères à Louis XV, ne pouvait avoir lieu que par un changement opéré dans la répartition territoriale de la Péninsule.

Les traités ainsi préparés, ce fut le 1er mai 1756 que les trois plénipotentiaires y apposèrent leur signature au château de Jouy-en-Josas, situé dans le voisinage de Versailles et appartenant à Rouillé, qui avait tenu à choisir ce lieu pour la réunion définitive. On dit même qu’il aurait voulu que le traité portât le nom de Jouy. Si, en donnant à cet acte à jamais mémorable la date de sa demeure. Rouillé avait cru rehausser la part insignifiante qu’il y avait prise, il se trompa. L’importance même du fait n’a pu sauver de l’oubli ni le domaine, ni le possesseur.


II

Je pourrais, je devrais peut-être interrompre ici ce récit, puisque le but de ces études est atteint, et que j’espère avoir réussi à faire voir par quel enchaînement de causes, — naissant l’une de l’autre, et la plupart impérieuses, et à travers combien d’hésitations, de délais et de scrupules, — s’est accomplie cette union de la France et de l’Autriche qu’une légende historique avait représentée comme improvisée dans l’ombre et dans une heure de surprise par des passions féminines. Quelques pas sont pourtant encore à faire pour bien comprendre dans quelles relations le traité du 1er mai 1756 laissait les deux puissances qui se tendaient pour la première fois la main, et les conséquences qui devaient sortir pour elles-mêmes, comme pour l’Europe entière, des conditions où s’opérait leur rapprochement.

Nominalement, et à en prendre à la lettre les termes positifs, le traité était purement défensif : c’était une assurance mutuelle échangée entre les deux États pour se garantir, en commun, contre toute atteinte portée par des tiers à leur sécurité ou à leurs droits.

La réalité, on l’a vu, était différente ; l’une de ces deux puissances, l’Autriche, annonçait tout haut, dès le premier jour, l’intention de diriger contre un rival détesté une attaque justifiée à