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En faisant l’historique des sociétés de tempérance, j’ai cité comme un de leurs plus puissans moyens d’action, la création d’établissemens analogues aux cafés, aux cabarets et aux brasseries, mais dans lesquels on ne délivre pas de boissons alcooliques. Les premiers cafés de tempérance, car c’est ainsi qu’on les nomme, ont été créés on Angleterre au commencement de 1876. Deux ans après, il s’était formé cinquante-huit compagnies pour en instituer de nouveaux. La plus importante de ces associations s’est constituée à Londres le 13 août 1877, sous le nom de The coffee Public house Association et sous la présidence du duc de Westminster. Il son est fondé depuis en Écosse, et la grande Société de tempérance de l’Eglise anglicane a adressé, à ses vingt-mille pasteurs, une circulaire dans laquelle elle déclare que, pour élever le niveau moral de la population et combattre efficacement l’ivrognerie, la première chose à établir, dans les paroisses, après l’église et l’école, ce sont les cafés de tempérance (Coffee rooms).

L’Eglise anglicane est loin d’avoir le monopole de ces établissemens ; d’autres ont été créés pas des congrégations, par des personnes pieuses, et sont devenus de puissans foyers d’évangélisation. Le plus grand nombre a été fondé dans une vue purement philanthropique et sans aucune couleur religieuse, comme les British Workmen ; enfin la spéculation en a établi quelques-uns à titre d’opération industrielle et, partout où les sociétés de tempérance ont déployé leur activité, ces établissemens ont bien fait leurs affaires ; ils ont pu lutter avec les cabarets, et dans quelques localités ils les ont fait complètement disparaître.

En Suisse, la Croix bleue a fait une propagande active et fructueuse en faveur des cafés de tempérance. Par ses soins, il s’est constitué à Genève en 1870 une Société des salles de rafraîchissemens non alcooliques, qui en a fondé quatre dont les résultats ont été très encourageans.

Des établissemens analogues se sont créés en Hollande, en Suède et en Amérique. Chez nous, ce mouvement ne s’est pas encore produit. Cependant, en 1889 un premier café de tempérance a été fondé à Sèvres grâce à la générosité de Mme la baronne Ed. de Bussière, sur le modèle de celui qu’on avait vu fonctionner pendant l’Exposition universelle dans la section d’Economie sociale et qui avait été fréquenté par un très grand nombre de consommateurs.

Les sociétés de tempérance ont très bien compris partout le but et le principe de ces établissemens et les conditions qu’ils doivent remplir.