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certaines espèces en contiennent jusqu’à 5 et 6 pour 100. Le thé est aussi plus riche en matières azotées, il en referme de 20 à 21 pour 100. On y trouve également 12 pour 100 de tannin, ce qui rend compte de ses propriétés astringentes.

Le thé est l’objet de falsifications encore plus nombreuses que celles auxquelles on soumet le café et qui sont plus difficiles à découvrir. Les Chinois y mélangent des feuilles appartenant à une foule d’autres végétaux, et ils sont passés maîtres dans l’art de donner à ces produits l’aspect îles meilleures variétés commerciales. Ils les colorent avec la même habileté. La seule fraude qui soit très répandue en Europe et surtout en Angleterre consiste à régénérer les feuilles qui ont déjà servi. On les recueille dans les hôtels, dans les cales, dans les ménages, ou les fait sécher, puis on les colore avec du sulfate de fer, de l’indigo ou du bleu de Prusse. Elles sont ensuite assouplies avec une solution de gomme et roulées pour leur rendre leur forme primitive. Cela fait, on les mélange avec un peu de thé véritable et on les met en vente.

Les thés verts sont plus souvent falsifiés que les thés noirs et c’est une des raisons qui font donner la préférence à ces derniers. Il en est d’autres que nous dirons plus loin.

Les produits ainsi falsifiés ne sont pas toxiques, mais ils n’ont aucune des qualités de la plante qu’ils sont censés représenter. On ajoute parfois de la plombagine, de la craie, de l’argile, du talc, des sels de cuivre, mais ce qui est autrement dangereux, c’est l’addition du chromate de plomb que M. Marchand (de Fécamp) a constatée, il y a quelques années, sur 74 échantillons. Tout récemment un médecin anglais, le docteur Freeman, a signalé quatorze empoisonnemens saturnins qu’il avait constatés en six mois chez des buveurs de thé. Il a reconnu qu’ils avaient été causés par la feuille métallique dans laquelle le produit était enveloppé. C’étaient de minces feuilles d’étain contenant une forte proportion de plomb, ainsi que cela arrive trop souvent dans le commerce, en dépit des règlemens qui, on Angleterre comme en France, prescrivent de n’employer pour cet usage que de l’étain fin.

Le thé se boit partout en infusion ; mais la manière de la préparer n’est pas partout la même. En Chine on verse l’eau bouillante sur les feuilles, dans la tasse même, et on n’y ajoute ni lait ni sucre. Les Japonais pulvérisent les feuilles, et boivent l’infusion sans séparer la poudre. En Europe, on fait infuser le thé, comme le café, dans un vase spécial, afin de séparer le liquide des feuilles ; mais celle préparation n’est pas aussi simple qu’on le