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Le thé vert se récolte à la même époque. Les premiers bourgeons fournissent le thé Hyson dont les parties choisies forment le Schoulong et les plus délicates de ces dernières, le thé Poudre à canon. La troisième récolte fournit le Tonkay, qualité inférieure. Les feuilles des deux variétés se récoltent une à une ; on les détache avec une partie de leurs pétioles, pour les avoir plus entières et sans déchirure. La cueillette est faite par des enfans[1].

Après avoir été cueillies, les feuilles du thé sont soumises à une longue série d’opérations qui diffèrent un peu pour les deux variétés commerciales. On commence à les faire sécher sous des hangars, bien aérés, en les étendant en lits peu épais sur des claies de bambou. La dessiccation du thé vert doit être très rapide ; celle du thé noir est plus lente. On le laisse une heure au soleil et on n’active pas sa dessiccation. Lorsqu’elle est à peu près terminée, on frotte doucement les feuilles sur des claies de façon à ce qu’elles se roulent. On trie alors les diverses qualités, on les crible, on les vanne et on les passe sur des lames de soie très fines.

Les feuilles ainsi nettoyées sont soumises à l’opération très délicate de la torréfaction. Elle varie un peu suivant les contrées. En Chine, on se sert de bassines en fonte ; au Japon, on emploie des auges en terre réfractraire ressemblant à des creusets ; ces récipiens sont placés sur des fourneaux et l’ouvrier remue sans cesse les feuilles à la main, ou avec des baguettes de bambou. Quand elles font entendre une crépitation, on retire vivement le récipient du feu, on en extrait les feuilles, et les ouvriers les roulent rapidement en petites pelotes avec la paume de la main. On répète deux ou trois fois le grillage et l’enroulement, en abaissant progressivement la température. Les feuilles sont alors criblées de nouveau, et la dessiccation s’achève dans des étuves.

La torréfaction du thé vert est poussée beaucoup moins loin que celle du thé noir ; il subit de plus un dernier traitement destiné à lui donner sa couleur. On y mêle une très petite quantité (un gramme pour mille) d’une poudre très Une composée de trois parties de sulfate de chaux pour une partie d’indigo. On broie le mélange pendant une demi-heure pour uniformiser la teinte verte. Ce reverdissage, qui n’ôte rien à l’arome du thé, a répandu la croyance erronée que le thé vert devait sa couleur à sa torréfaction sur des platines de cuivre. Les thés verts ne sont livrés à la consommation qu’au bout d’une année ; il leur faut tout ce temps-là pour se débarrasser de leur odeur herbacée et de leur saveur astringente. Les thés destinés à l’exploitation sont mis en petits

  1. E. Martin, Récolte et préparation du thé en Chine. (La Science moderne, 18 et 30 septembre 1893.)