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consistant à imiter les grains de café avec de l’argile plastique qu’on passait au moule et qu’on faisait ensuite sécher au soleil ; mais cet artifice était bion grossier et il n’a pas eu de succès. L’esprit inventif des Allemands a trouvé beaucoup mieux. Comme toutes les grandes découvertes, celle-là se recommande par sa simplicité. On prend de la farine, on la fait griller et on l’agglutine avec de la dextrine. La pâte ainsi préparée est introduite dans une machine à frapper et elle en sort en grains irréprochables de forme et de coloris. Une machine peut en produire de dix à douze quintaux par jour, et cette drogue ne revient qu’à vingt marks le quintal.

Cette industrie assure, comme on le voit, de fort beaux bénéfices : aussi s’est-il formé à Cologne deux usines pour la fabrication de ces ingénieux mécanismes. On les livre à des prix très modérés. La presse métallique, les laminoirs pour la pâte, les appareils torréfacteurs, tout cela réuni ne coûte que trois mille marks. Il ne faut pas croire que cette industrie frauduleuse se cache ; bien loin de là. Elle se fait annoncer dans tous les journaux. Je n’en aurais peut-être pas parlé si ses produits n’avaient pas franchi le Rhin, parce que les affaires de nos voisins ne nous regardent pas ; mais, à diverses reprises, on a signalé en France la présence de ce calé artificiel à l’état de mélange avec du calé naturel chez nos marchands de comestibles.

Le café allemand n’est assurément pas un poison. Il est incapable de nuire à la santé ; mais il ne possède aucune des qualités de la précieuse graine dont il usurpe la forme, et il ne faut pas que les hommes qui consacrent leurs veilles aux travaux de la pensée soient exposés à prendre une infusion de farine grillée à la place du breuvage bienfaisant dont ils ont contracté l’habitude.

La fraude n’est pas difficile à reconnaître, lorsque le produit falsifié est en grandes masses. Tous les grains sont d’une régularité de forme, d’une identité de coloration qu’on n’observe pas dans les produits de la nature, et puis ils sont dépourvus de la pellicule mince dont les graines du caféier conservent toujours quelques débris adhérens à la rainure médiane, même quand elles sont décortiquées. Il est beaucoup plus difficile de reconnaître le café artificiel quand il est à l’état de mélange au milieu des produits naturels. Il faut alors l’examiner grain à grain.

Une fraude beaucoup plus répandue en France consiste à donner aux calés inférieurs ou à rendre aux cafés avariés l’apparence des meilleures espèces commerciales. La réparation se fait au moyen de deux lavages successifs, le premier à l’eau de chaux pour enlever les moisissures, le second à l’eau simple pour enlever la chaux. Cela fait, on sèche le grain à l’étuve, on le lustre au talc et on le