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intéressantes à présenter. Il est bien évident que certains tours exécutés avec les mains restent des énigmes pour les personnes qui ne les connaissent pas, quand ces tours sont exécutés avec une très grande rapidité. Nous avons vu à notre laboratoire M. Raynaly exécuter devant nous avec un brio incomparable le saut de coupe des deux mains. Ce tour produit une illusion si puissante qu’après l’avoir vu répéter plus de vingt fois, nous n’avions pas pu en saisir le secret ; M. Raynaly tenait à deux mains un paquet de cartes, il nous montrait d’abord que la carte de dessus était une figure, par exemple le roi de cœur ; puis, brusquement, on percevait une petite secousse des mains, et sous nos yeux étonnés le roi de cœur se transformait, ou du moins semblait se transformer en as de pique. Nous étions là quatre personnes, gens habitués à l’observation : nous restions stupéfaits, ne comprenant absolument rien. La disparition de la cage a été exécutée également devant nous par M. Arnould ; le tour produit encore une illusion curieuse, quoique moins forte que le précédent. On ne peut contester que la vitesse du mouvement est une des causes de son invisibilité, et la preuve c’est que si l’artiste consent à exécuter le mouvement en plusieurs temps, on n’a aucune peine à en détailler le mécanisme. Seulement, il faut remarquer aussi que la question est assez complexe. L’invisibilité ne tient pas seulement à la courte durée de la sensation reçue par l’œil. Des expériences ont été faites en très grand nombre dans ces dernières années pour mesurer la durée de perception pour une lettre ou une couleur ; on a fait l’expérience en plaçant l’observateur derrière un orifice dont on règle la durée d’ouverture ; pour percevoir et reconnaître une lettre, le temps nécessaire se chiffre par quelques centièmes de seconde. Quand on assiste à un tour, la difficulté de perception est bien plus considérable que pour reconnaître une lettre ou une couleur ; il faut arriver à comprendre et à deviner le mécanisme d’un acte souvent très compliqué, comme l’est par exemple le saut de coupe des deux mains ; aussi le temps pris par cette opération, quoique beaucoup plus long que le temps nécessaire pour percevoir une couleur, — il dure 15 centièmes de seconde, — ne suffit-il pas au spectateur. Il y a donc deux causes qui concourent à l’illusion : d’abord la vitesse du mouvement des mains, et ensuite le caractère compliqué et encore inexpliqué de l’opération. Dès que cette seconde cause de l’illusion est supprimée, l’illusion disparaît. Les artistes que je viens de nommer ayant eu l’obligeance de décomposer leurs mouvemens, j’ai pu aussitôt après, quand ils ont répété le tour avec la vitesse accoutumée, me rendre compte du mouvement de leurs mains ; je voyais le mouvement parce que