Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II

La dépêche, partie le 21 août, fut remise à un courrier qui, pour éviter de donner l’éveil, dût s’arrêter à Bruxelles et y attendre le retour d’un exprès expédié par le gouverneur des Pays-Bas. Le pli, dont l’origine restait ainsi inconnue du porteur lui-même, était le 29 entre les mains de Stahremberg qui, dès le lendemain, envoya le billet de Kaunitz à Mme de Pompadour et demanda à être reçu par elle.

Entre les deux intermédiaires qui lui avaient été désignés comme pouvant lui servir à entrer en relation avec le roi, son choix, on le voit, n’avait pas été long à faire. En réalité l’hésitation n’était pas possible. Une hostilité très vive, dont Kaunitz n’avait peut-être pas été suffisamment informé depuis son départ de Paris, était déclarée entre Mme de Pompadour et Conti. La marquise soupçonnait le prince d’avoir trempé dans une intrigue ourdie par son ennemi, le comte d’Argenson, pour lui substituer sa cousine et son amie Mme d’Estrade dans la faveur royale. De plus, elle était très piquée de voir le roi persévérer dans une relation intime et en apparence confidentielle dont le secret lui échappait. En ce genre, tout ce qui n’émanait pas d’elle l’inquiétait ; admise en tiers dans les conférences du roi avec le ministre des affaires étrangères, elle souffrait de rester consignée à la porte quand c’était Conti qui était reçu. Sur ce point ses sentimens étaient partagés par tous les ministres, que troublait aussi une action dont ils ne mesuraient ni le but ni les effets. Conti, de son côté, ne ménageait pas les termes dont il se servait à l’égard