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point de vue de nos forces militaires comparées à celles de l’Allemagne. M. le général Mercier, qui avait une première fois répondu à la même question, en niant les propos prêtés au général de Galliffet, aurait certainement mieux fait de ne pas l’accepter de nouveau : L’invraisemblance de l’accusation et le démenti qui lui avait été opposé suffisaient pour ne laisser aucun doute. Mais M. Paschal Grousset, ministre des Affaires étrangères de la Commune, tenait à venger celle-ci de la dure répression que lui a fait subir le général de Galliffet. Le but de son attaque était si évident et la maladresse qu’il y a mise si choquante, qu’il a provoqué l’indignation générale. Il a été conspué et exécuté comme il méritait de l’être. La Chambre a flétri les odieuses inventions apportées si légèrement à la tribune, et affirmé sa confiance dans l’armée nationale aussi bien que dans l’honneur de ses chefs. Tout est bien qui finit bien. Il n’en est pas moins vrai que de pareilles séances, aussi pénibles que bruyantes, ne relèvent pas le prestige parlementaire. Qu’un général commandant d’armée puisse être accusé à la tribune par un député, c’est déjà chose grave, et qui certes le devient davantage lorsque l’accusé est le général de Galliffet et que l’accusateur est un membre de la Commune. Le gouvernement a rempli son devoir dans cette circonstance en demandant à la Chambre de voter l’ordre du jour de flétrissure déposé par M. Sauzet.

Toutes ces discussions n’ont que l’intérêt du moment : il n’en est pas de même de celle qui s’est produite sur les affaires du Congo. Cette fois, il s’agissait d’un intérêt à longue portée, mais immédiat, pressant, auquel il fallait pourvoir sans un jour de répit, et pour lequel il était important de rencontrer dans la Chambre la plus grande majorité possible : on a rencontré l’unanimité, ce qui est mieux encore. Un tel vote donnera à notre ministre des Affaires étrangères, M. Hanotaux, la force dont il a besoin dans les conversations qu’il vient d’entamer avec le gouvernement britannique. Le gouvernement anglais, lui aussi, repose sur l’opinion, et lorsque l’opinion d’un grand pays voisin se prononce comme elle vient de le faire en France, avec cet ensemble et cette énergie, il a l’habitude et la sagesse d’en tenir compte.

La difficulté pendante entre nous d’une part, l’Angleterre et l’État du Congo de l’autre, est connue. On commet pourtant assez volontiers quelque confusion à ce sujet, parce que la question est double : nous en avons une première avec l’État du Congo seul, et une autre avec l’État du Congo et l’Angleterre. Il importe de distinguer nettement celle-ci de celle-là, soit dans l’intérêt de la clarté, soit dans l’intérêt de la solution, car elle ne peut pas être la même dans les deux cas. Nous sommes en conflit avec l’État du Congo au sujet des postes qu’il a installés sur un territoire qui nous appartient. On a dit dans les journaux, et même à la tribune, que les frontières de l’État indépendant