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LE CADENAS

Le Parlement vient de voter la loi portant à 7 francs le droit sur les blés. On était en droit d’espérer que ce succès obtenu par les partisans du système protecteur aux dépens des consommateurs français et des intérêts économiques et politiques du pays, suffirait à les satisfaire. Mais d’autres ambitions leur sont venues et, pour leur complaire, le gouvernement a déposé un projet l’autorisant à rendre provisoirement applicables par décrets les dispositions des projets de loi portant relèvement ou établissement de droits de douane. C’est l’application à notre pays d’un système qui a fonctionné très rarement en Allemagne et en Belgique ; qui fonctionne en Angleterre, et auquel l’Italie, qui le pratique également, a donné le nom de Catenaccio.

Pour éviter l’accumulation d’approvisionnemens que les importateurs multiplient pendant que les Chambres discutent le relèvement de tel ou tel article du tarif douanier ; — pour empêcher le commerce de prendre les précautions inspirées par les événemens et pour assurer la perception de l’intégralité d’un droit, dès qu’il passe par l’esprit du gouvernement de l’établir ou de l’élever, ce serait une simple décision du pouvoir exécutif qui désormais, brusquement et à l’improviste, viendrait modifier les taxes, — sauf ratification dans les trois mois par le Parlement. Il est entendu, toutefois, que dans le cas où les projets seraient retirés, rejetés ou adoptés après amendemens, il serait tenu compte aux intéressés des droits indûment encaissés, de ce trop-perçu d’un nouveau genre.

C’est donc en vain qu’on signale de toutes parts les dangers de l’incertitude qui règne depuis 1892 dans notre régime économique. Loin de remédier au mal, on l’aggrave ; on veut que l’indécision et la menace soient généralisées et fassent partie