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dans l’avenir, de substituer progressivement aux lignes idéales, ayant servi à déterminer la frontière, un tracé déterminé par la configuration naturelle du terrain et jalonné par des points exactement reconnus. Pour le plus grand bien du Cameroun et du Congo français, nous souhaitons que ce dernier accord intervienne le plus tôt possible, et que la forme du pélican soit un peu modifiée.

Le protocole du 4 février n’a pas été accueilli avec un bien grand enthousiasme en Allemagne. On concevra sans peine le désappointement des coloniaux allemands si l’on songe aux grands espoirs qu’ils avaient caressés. Le 15° de longitude est de Greenwich et le cours inférieur du Chari donné comme limite orientale au Cameroun, c’est la pénétration allemande vers le Soudan central et le bassin du Nil arrêtée, c’est la fin du rêve d’un grand empire allemand soudanien. Adieu la plus grande partie du Baghirmi, le Kanem, le Wadaï, le haut et moyen Chari ! De la carte de l’empire colonial allemand il va falloir faire disparaître la teinte allemande dont Kiepert avait complaisamment couvert toutes ces régions.

En France, la transaction territoriale consacrée par ce protocole est en général trouvée satisfaisante pour nos intérêts. Quelques critiques seulement se font entendre au sujet de la cession d’une partie de la Haute-Sangha. Nous comprenons ces regrets surtout s’ils émanent de ceux qui ont pris une part active à l’exploration et à l’occupation pacifique de la région. On ne voit pas de gaieté de cœur donner à un autre le champ qu’on a défriché soi-même. Mais cette cession n’a pas été sans compensation. En échange de l’abandon fait par nous, nous avons acquis un territoire équivalent sur la Haute-Bénoué et les centres de Lamé et de Kunde. D’ailleurs il ne faut pas s’attacher exclusivement aux clauses secondaires d’un traité, mais il faut juger son ensemble. Or, à ce point de vue général, les plus difficiles doivent être satisfaits. Le protocole du 4 février conserve à la France presque tout entière la région occupée par M. de Brazza sur la Haute-Sangha et tous les territoires où la mission Maistre a conclu des traités. Il nous donne accès sur la Haute-Bénoué avec la faculté d’utiliser la voie de pénétration du Niger ; il nous attribue certains districts orientaux et méridionaux de l’Adamaoua et presque tout le bassin du Chari avec une partie de la rive méridionale du lac Tchad. Mais le protocole vaut mieux encore par ce qu’il ne dit pas que par ce qu’il contient. Une limite précise étant apportée à la pénétration de l’influence allemande dans le Soudan central et occidental, d’immenses territoires sont rattachés