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Saint-Pierre-aux-Bœufs, un marchand de vins 770 francs rue de la Mortellerie. Il est vrai qu’on pouvait se loger rue des Petits-Champs pour 480 francs et qu’un fripier de la rue Guérin-Boisseau ne payait que 200 francs en 1613. L’ambassadeur d’Angleterre, lord Cherbury, louait 5 000 francs par an l’hôtel qu’il habitait rue de Tournon (1620). Ce chiffre de 5 000 francs fut d’ailleurs beaucoup dépassé dans la suite : Tallemant, qui accuse Mme de Coislin « d’avoir fait renchérir les maisons au point où on les a vues », dit qu’elle payait 2 000 écus (9 760 francs) pour l’hôtel d’Estrées, rue Barbette ; somme qui représente, au pouvoir de l’argent, 20 000 francs de notre monnaie. Mais c’était là le maximum des locations dans le Paris de 1660 ; et peut-être n’y en avait-il pas plus de trente, en toute la ville, à ce taux ou à un taux approchant.

Dans le Paris de 1893, il est 1 413 loyers de 13 000 à 26 000 francs et il en est 460 supérieurs à 26 000 francs, parmi lesquels un certain nombre ne donnent pas la jouissance de maisons entières.

Tout le monde était d’accord pour constater la hausse des loyers durant la fin du ministère de Mazarin et le commencement de celui de Colbert (1651-1675). « L’affluence des étrangers dans le faubourg Saint-Germain est telle, disent les Annales de la Cour, que les maisons louées pendant la guerre 1 000 et 1 200 livres y valent maintenant 500 écus (ou 3 000 livres). La guerre dont il est ici question, celle de la ligue d’Augsbourg, venait d’être terminée par le traité de Ryswick (1697) ; et, quoique le faubourg Saint-Germain eût augmenté, l’ensemble des quartiers de Paris avait baissé depuis 1675.

Donnerons-nous quelques aperçus des logemens dans la première moitié du siècle ? En 1633, une maison neuve de la place Maubert, composée de six chambres, un pavillon avec « étude », deux caves, deux boutiques, une cour et un puits, se louait 830 francs. Pour 3 300 francs on avait un beau logis, près du Louvre, avec sept chambres, cabinets, grande salle, jardin et écurie pour onze chevaux. Il ne faut pas perdre de vue que les « chambres » d’alors étaient de véritables salles : la « chambre bleue », décrite par Sauval, où recevait la marquise de Rambouillet, était un très vaste salon ; quant aux « cabinets », c’étaient des locaux de moindre dimension, mais aussi grands pour le moins que les chambres de nos appartenions modernes.

Trente ans plus tard (1663), les maisons les plus ordinaires allaient de 1 000 à 3 000 francs ; il est vrai qu’un « maître-balayeur » de la rue des Filles-Dieu est logé pour 260 francs par an ; mais c’est là une demeure ouvrière qui reste bien au-dessous