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M. Schmid a-t-il raison « au point de vue de l’Eglise catholique » ? Ce n’est pas à moi qu’il appartient de répondre à cette question ; mais je connais des prêtres catholiques qui admirent et aiment Wagner, et espèrent « du bien » de ses œuvres ; et la discussion entre eux et M. Schmid pourrait être intéressante à suivre.

De par la toute-puissance des journaux, qui savent s’insinuer partout plus facilement qu’un livre, peut-être est-il donné même au public français de mieux connaître certains critiques musicaux de la presse allemande, que plusieurs des auteurs wagnériens dont je viens de parler. Pour s’adonner à une tâche plus rapide et plus éphémère, certains de ces critiques n’en font pas moins de très bonne besogne : ainsi par exemple M. Davidssohn, du Berliner Börsencourier, qui combat depuis vingt ans sans se lasser pour la cause wagnérienne ; M. Humperdink, de la Frankfurter Zeitung ; M. Merz, des Neueste Nachrichten de Munich ; M. Hoffmann, dans les journaux autrichiens, etc., etc. Je ne parle pas de M. Hanslick, de la Neue Freie Presse de Vienne, parce que vraiment ses opinions sur les œuvres de Wagner sont trop instables et trop changeantes, sa rancune et sa haine contre l’homme trop évidentes ; et surtout parce que M. Hanslick me parait être de tous les critiques musicaux de l’Europe celui qui soupçonne le moins ce que c’est que la musique. Pour qu’on n’en doute pas, je n’ai qu’à rappeler la phrase célèbre où il dit que la musique n’est pas autre chose « qu’un kaléidoscope où se meuvent des arabesques sonores », et cette autre où il affirme et veut prouver que la musique est « incapable d’exprimer jamais une émotion. »

On sait que jamais tentative d’art n’a suscité plus de révoltes et plus de haines que ne l’ont fait les œuvres et les idées de Wagner. J’ai eu sous les yeux un petit livre bien curieux : c’est un index alphabétique de toutes les injures qui ont été écrites un peu partout contre lui. C’est surtout dans les journaux tout naturellement que ces haines se sont donné carrière ; mais il y a eu aussi des livres entiers écrits contre les théories et l’art wagnériens. On a vu que j’ai complètement négligé de m’occuper ici de ces sortes d’ouvrages, dont les seules qualités d’ailleurs, quand par hasard ils en avaient, ne dépassaient jamais celles qu’on peut attendre du ton même d’un pamphlet. Ils n’ont évidemment jamais visé non plus à autre chose. Je ne citerai comme exemple que le chapitre consacré à Wagner par M. Nordau dans son livre maintenant bien connu en France : Dégénérescence. J’ai dû écarter aussi toute une série, dont le nombre s’accroît sans cesse, de livres sur Wagner, que j’appellerai purement industriels : et l’on