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du corps universitaire ! Les exercices physiques ne sont pas non plus négligés. On prend soin de mesurer et de photographier les étudians par intervalles réguliers, afin de contrôler expérimentalement les résultats progressifs d’un entraînement méthodique, qui a spécialement pour objet d’entretenir la beauté et la pureté des formes. C’est la conception antique de l’homme accompli, à la fois beau et sage, ϰαλὸς ϰἀγαθός (kalos kagathos) ; le type grec retour d’Amérique. N’y a-t-il pas aussi à New York une école de beauté pour les dames, où elles apprennent à parler, à marcher, et même à dormir avec grâce ?

L’université Harvard est devenue une pépinière de savans qui vont porter la bonne parole aux quatre coins des États-Unis. Ses docteurs ès sciences, pour ne parler que de ceux-là, n’ont rien à envier désormais aux confrères de la Grande-Bretagne ou du continent. Ce n’est pas à dire qu’ils soient identiques. Sans doute, avec la prompte diffusion des idées par le journal et le livre, par les congrès et les rapports de toutes sortes que la facilité et la rapidité toujours croissantes des communications établissent entre les hommes qui pensent, le haut enseignement doit être partout le même dans ses lignes essentielles. Mais sur ce fond commun chaque peuple imprime sa marque personnelle, et aucun n’est plus jaloux d’y mettre la sienne que le peuple des États-Unis. L’Américain apporte à la culture scientifique les qualités de la race : énergie patiente, promptitude du coup d’œil, imagination inventive, sens pratique qui sait tirer de la science les applications et les profits.

Ce sens pratique des choses ne se manifeste pas seulement par d’ingénieuses inventions, destinées à faciliter l’existence de tous en général et à faire la fortune de l’inventeur en particulier. Il éclate encore dans la création de certaines spécialités universitaires, que nous ne sommes pas habitués à voir figurer parmi les facultés proprement dites ; telles, par exemple, les écoles dentaires et les écoles d’agriculture. Celles-ci rendent de grands services, principalement dans les districts où l’on récolte des produits variés. L’université de Californie possède un modèle du genre ; l’établissement se charge en effet d’analyser les terrains, d’indiquer aux intéressés les espèces de culture qui conviennent le mieux suivant la nature du sol et de leur fournir gratuitement les semences ou les graines nécessaires. Quant aux écoles dentaires, elles existent dans la plupart des universités américaines ; Harvard même a la sienne. Celle de Philadelphie est la plus célèbre par la perfection de sa méthode opératoire, le luxe de son installation et l’importance de ses travaux. Vingt-deux mille patiens sont mentionnés dans les comptes du dernier exercice ; le poids de l’or