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de contrastes et de merveilles, réunis comme par un privilège unique, font du continent américain le laboratoire le plus admirable et le champ d’expériences le plus vaste, le plus largement ouvert aux explorations des naturalistes.

Est-ce la faute de cette grandeur même ? La science humaine y paraît petite. Pourtant les savans américains ne manquent pas à la nature, si généreuse envers eux. Zoologistes, botanistes et géologues ont toujours rivalisé de zèle et de talens pour étudier les trésors qu’elle leur prodigue. Agassiz illustra dans le nouveau monde son nom déjà illustre en Europe. À une haute valeur professionnelle il alliait le culte désintéressé de la science ; les offres les plus brillantes ne purent le décider à quitter sa patrie d’adoption. Aujourd’hui, M. Mark, de Harvard, M. Sedgwick-Minot, de Chicago, M. Wilson et leurs émules continuent de perfectionner et de répandre les connaissances zoologiques, dont ils sont les dignes représentans aux États-Unis. M. Arthur, M. Farlow et M. Thaxter, de Harvard, poursuivent avec succès, en botanique, l’œuvre considérable d’Asa Gray. Les ouvrages du célèbre géologue Dana ont eu chez nous les honneurs d’une édition populaire. Sans trêve, le sol est fouillé par d’éminens paléontologistes, parmi lesquels le professeur Cope se place au premier rang. Ils classent et interprètent les débris du passé ; leurs recherches mettent au jour les reptiles monstres, longs de vingt mètres, enfouis dans les Montagnes Rocheuses. Il faut citer aussi les savantes études de l’Institution Smithsonienne sur les races et les habitans primitifs de l’Amérique. Il faudrait surtout pouvoir montrer les jardins botaniques, les musées d’histoire naturelle, d’anthropologie, d’ethnographie, etc., les collections précieuses du service géologique de Washington, dirigé magistralement par M. J.-W. Powel, celles du service entomologique, auquel M. Riley a su donner une si heureuse extension. En dépit des efforts et des mérites, l’énormité du cadre écrase le travail de l’homme. À côté des richesses inépuisables de la nature, les résultats de la science doivent sembler pauvres. Quand la fertilité du terroir promet une récolte exceptionnellement luxuriante, on est toujours tenté de croire que les moissonneurs même les plus actifs n’ont fait que glaner.

Il y a peu de temps, les Américains ignoraient encore l’une des principales curiosités de leur pays. L’expédition scientifique qui procéda, sous la conduite du professeur Hayden, à la reconnaissance méthodique du Yellowstone, ne remonte pas à vingt-cinq années, et c’est seulement en 1872 que cette région, si remarquable par ses geysers fut déclarée propriété fédérale et, selon les termes