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L’ITALIE
DANS LA TRIPLE-ALLIANCE[1]

Au lendemain de la triste affaire d’Aigues-Mortes, M. Barzilaï, député de Rome, originaire de Trieste et, à ce titre, irrédentiste, eut l’idée de poser à M. Giolitti, alors président du conseil, et à M. Brin, alors ministre des Affaires étrangères, une question qui les eût certainement embarrassés : « A quoi nous sert la Triple-Alliance ? » M. Giolitti vint à tomber dès la séance de rentrée, et M. Barzilaï fut obligé d’attendre. Mais cette même question, il la posait hier, — une ténacité aussi longue est la preuve d’une conviction forte, — à M. le baron Blanc, successeur de M. Brin, et l’on ne sait trop si, maintenant même, il est pleinement satisfait. La réponse de M. le baron Blanc, en effet, a été tout ce qu’il y a de plus diplomatique, c’est-à-dire qu’en répondant il n’a pas répondu, qu’il a répondu en ne répondant pas, et, aussi bien, il semble, quoique le ministre ait raillé les malices démodées, que ce soit le suprême de l’art. A quoi sert la Triple-Alliance, M. le baron Blanc ne l’a pas dit : il s’est borné à répéter qu’elle ne voulait nuire à personne, et, à grands traits, il en a refait l’histoire, la regardant toutefois d’un point de vue un peu particulier, ce qui permet de la refaire encore.

Un Français aurait tort de vouloir l’entreprendre avec des documens français, mais il peut l’essayer sur des documens étrangers. Justement, nous en avons un, italien, tout frais et de première

  1. D’après une publication récente : Luigi Chiala, senatore del Regno, Pagine di Stoina contemporanea, dal 1858 al 1892. Fascic. 3e, La Triplice Allcanza. L. Roux, Turin-Rome, 1893, un vol. in-8o.