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animée du plus mauvais esprit. La masse des fuyards porte la terreur à Thionville et à Metz, y répand les bruits les plus sinistres: personne ne commande plus à Trêves, annoncent-ils ; M. de Vignory (un fort brave homme) a été tué d’une chute de cheval. C’est la première nouvelle dont Condé fut salué à Vitry (13 août). M. de Gajac, s’étant offert pour aller prendre la place de Vignory, est aussitôt pris au mot; c’était le plus urgent : comment « laisser sans chef une si belle garnison »[1]?

Les détails manquaient; mais M. le Prince en savait assez pour mesurer l’étendue du désastre : « Ce nouveau malheur rend les affaires bien difficiles; plus que jamais il faut songer à ne pas faire de fautes, » écrit-il aussitôt à M. le Duc[2]. Il n’importe pas moins de calculer juste, car on ne doit plus compter en Alsace sur les troupes de Chazeron ; immédiatement M. le Prince leur a donné une autre direction ; elles ne dépasseront pas la Moselle. Lui-même quitte sa suite, retrouve son allure d’antan, brûle les étapes; la jeunesse des villes lui sert d’escorte. Il passe deux jours à Nancy, deux jours bien employés, pourvoit à l’armement des fuyards de Consaarbrück, assure le ravitaillement des places menacées et mal garnies, Metz, Thionville, Tout, Verdun, Phalsbourg, en renforce les garnisons ; La Feuillade prendra le commandement. Tout fut approuvé par le Roi ; Louvois se contenta de remplacer La Feuillade par Rochefort, l’homme en vue dans le cabinet du ministre[3] ; c’était aussi un vieux compagnon de Condé, qui ne fit aucune observation. Puis il reprend sa course, franchit la montagne de Saint-Dié, le défilé de Sainte-Marie-aux-Mines, et, le 18 août, embrasse son fils au camp de Châtenois.


V. — M. LE PRINCE A SON ARMÉE (18 AOUT). SECOURS DE HAGUENAU.

Quand on considère les difficultés que présentait alors le passage des Vosges, — même sur les points tels que Saint-Dié et Sainte-Marie, où il était relativement plus facile, plus fréquenté, mieux préparé, — les pentes raides, les gorges étroites, les torrens profonds, tous ces chemins à peine ouverts, défoncés par les pluies, sillonnés par les charrois (car c’était la seule voie de ravitaillement de l’armée), on se demande comment cet invalide a pu si rapidement, parmi tant d’obstacles, parcourir de tels espaces. Et cependant, du fond de sa chaise cahotée, il avait pu

  1. M. le Prince à Louvois ; Nancy, 16 août. A. C. (minute autographe).
  2. 13 août. A. C.
  3. On disait que la maréchale surtout était en faveur. — M. le Prince à Louvois; le Roi et Louvois à M. le Prince; 15, 16 août. A. C.