Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec impatience, et faire mouvoir les troupes qui ralentiront la marche et les progrès du prince de Condé. Le « chemin royal » qui se déroule à ses pieds conduit à Seneffe en droite ligne, et c’est déjà par cette route, grande artère des manœuvres de la journée, que s’avance, disons plutôt que rétrograde l’armée d’Espagne. Laborieusement elle sort des haies, des vergers, des pâtures humides, et se présente à la lisière d’une plaine ondulée, découverte, assez étendue, la gauche en avant de la ferme de la Courre-aux-Bois, la droite vers la Samme. La belle cavalerie wallonne fait le fond de cette armée; le capitaine général, comte de Monterey, n’est pas sur le terrain, retenu ailleurs par d’autres devoirs ; cette absence lui sera reprochée. Il est remplacé par le marquis d’Assentar, mestre de camp général. L’infanterie étant peu nombreuse, — un seul régiment, celui du comte de Beaumont, — le prince d’Orange l’a renforcée de six bataillons hollandais conduits par le comte de Waldeck, et, pour donner confiance, il les fait suivre de six cents chevaux allemands, premier contingent envoyé par M. de Souches. Les fuyards qui reviennent de Seneffe embarrassent et ralentissent tous ces mouvemens.

Avec les Gardes du corps, Condé suivait au pas la cavalerie de Vaudemont dans sa retraite précipitée, lorsque à environ 1 500 mètres en avant de lui il découvrit les têtes de colonnes, qui, débouchant des bosquets de Scailmont, semblaient précéder un corps assez nombreux. M. le Prince s’arrête, donne ses ordres. Il y a des blessés à relever, des prisonniers à rassembler. Il faut surtout reformer les troupes, rallier les dispersés. Si Fourilles n’avait pas pris soin de mettre le feu aux voitures abandonnées, il manquerait encore plus de chevau-légers retenus par le pillage.

Tandis que Luxembourg s’étend à droite et gagne du terrain avec la cavalerie légère, Fourilles, qui s’est remis à la tête de la Maison du Roi, appuie à gauche et couvre le mouvement général, surtout celui de l’infanterie, qui se prépare à l’attaque des vergers et des clôtures[1]. Tous les régimens laissés au camp ont été appelés; ils sont en marche; les premiers échelons arrivent, trouvent les gués reconnus, notamment en amont de Seneffe, vers Soudromont, ce qui active le passage de la Samme et diminue la longueur du parcours. Il faut se hâter : Condé ne laissera pas à son adversaire le temps d’amener ses réserves, ni même de déployer sa première ligne.

La distribution des troupes et la nature du terrain indiquent ce que put être ce deuxième engagement. Quoique assez vif, il dura encore moins que le premier; la marche, les formations

  1. Le théâtre de ce combat de la Courre-aux-Bois est aujourd’hui traversé par le chemin de fer, et en partie occupé par la station et les maisons de Manage.