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CATHERINE SFORZA

Pier Desiderio Pasolini: Caterina Sforza, 3 vol. in-8o. — Roma, Ermanno Lœscher e C°. 1893.

Les paysans de l’Apennin qui vivent sous la tour ruinée de Piancaldoli assurent qu’on en voit sortir, la nuit, une femme belle et terrible; elle court les environs, une lance à la main, et jette des rais de flamme. Le meilleur temps pour la rencontrer est la veillée de Noël, à l’instant où la clochette sonne l’élévation de la messe de minuit. Des traditions semblables s’attachent à la plupart des donjons embusqués, entre Imola et Forli, sur les collines où vient mourir le versant septentrional de la chaîne apennine. La belle guerrière qui garde ainsi sa forte seigneurie sur l’imagination populaire, c’est l’ancienne maîtresse de ces châteaux, la « madone de Forli, » comme l’appelaient les Italiens de la Renaissance, Catherine Riario-Sforza.

Un Romagnol érudit et passionné pour sa province, le sénateur comte Pasolini, a fixé l’apparition qui hantait ses compatriotes; avec les documens épars dans toutes les archives d’Italie, avec l’iconographie dispersée dans les Musées, il a élevé un laborieux et solide monument à la mémoire de Catherine. Visiblement épris de son héroïne, il a eu la constance de l’aimer en dix-sept cents pages. Au premier abord, ces trois énormes volumes ont l’aspect rébarbatif des tours où se défendait jadis la fière comtesse. N’ayez crainte, donnez l’assaut : vous trouverez derrière le rempart une des plus attachantes figures de l’histoire. C’est le moment où l’histoire n’est qu’un prodigieux et tragique roman d’aventures, pour tous les personnages en vue de la fin du XVe siècle; la fille des Sforza en a sa large part; toujours aux prises avec ces fauves magnifiques, lâchés en liberté autour d’elle, Catherine les dompte souvent, les domine et les résume.