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croissante des pensions, les primes à l’industrie, enfin les exigences des deux ministères de la guerre et de la marine.

Tandis que se produit ce phénomène de la montée constante des dépenses nationales, un grand danger menace la sécurité de notre régime fiscal et de tout notre édifice budgétaire, l’assaut que se prépare à livrer au Trésor l’armée des réformateurs de l’impôt.

Comptez le nombre de leurs propositions de loi depuis le début de la session ! Il faudrait, si jamais la porte du budget leur était ouverte par la faiblesse du Parlement, supprimer toutes les taxes existantes et les remplacer par les systèmes de l’invention radicale, d’un rendement incertain, mais dont l’objet principal est de faire peser la charge entière de l’impôt sur les classes riches ou simplement bourgeoises, et d’exonérer la masse des électeurs.

Parmi tous ces projets de réforme, il en est quelques-uns de moins chimériques que les autres. Le ministre lui-même introduit d’importantes modifications dans le régime des droits de succession et de mutation. Il réalise la refonte de l’impôt des boissons et prépare la suppression des octrois. Enfin il substitue, ainsi qu’on vient de le voir, à la contribution personnelle-mobilière une taxe d’habitation, nouveauté vieille, il est vrai, de plus d’un siècle, mais qui, sous sa forme rajeunie, est un acheminement à l’établissement d’un impôt général sur le revenu.

Nous marchons donc, à notre tour, à grands pas vers cet impôt sur le revenu, qui a si fortement répugné jusqu’ici par son caractère inquisitorial à l’esprit français, qui existe cependant en Angleterre, en Autriche-Hongrie, en Allemagne, que les Américains, après l’avoir établi pendant la guerre civile, n’avaient conservé que pour leurs budgets locaux, mais qu’ils songent, en ce moment même, à introduire de nouveau dans leur système fiscal national.


AUGUSTE MOIREAU.