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être fermées. Faudra-t-il cependant les conserver et maintenir la limite à 2 000 francs, uniquement pour que les caisses puissent faire face à leurs dépenses et réaliser un léger bénéfice ? Cette thèse, qui est celle de chaque caisse d’épargne en son particulier, est cependant insoutenable, car il y a un intérêt supérieur à celui des frais d’administration des caisses, c’est l’intérêt public qui exige que l’afflux des dépôts soit enrayé.

La plus grande confusion règne donc encore dans les esprits au sujet du rôle que doivent jouer les caisses d’épargne.

Écoutons les réformistes :

« Faire de l’État l’unique dispensateur d’un capital d’épargne qui est aujourd’hui de 3 milliards et demi et qui paraît destiné à s’accroître indéfiniment, est une conception financière monstrueuse. Pour sortir de cette impasse, il n’existe qu’une issue, c’est de rendre aux caisses d’épargne la liberté, non pas une liberté immédiate, sans précaution, brutale en quelque sorte, mais une liberté progressive et mesurée. Il faut « décentraliser » les fonds des caisses d’épargne. »

Demandons d’autre part aux conservateurs ce qu’ils pensent des libertés que la commission du Sénat propose de concéder aux caisses relativement à l’emploi de leur fortune personnelle, c’est-à-dire de l’ensemble des bonis annuels réalisés sur la distribution des intérêts :

« En principe les déposans ont droit aux revenus totaux du portefeuille, et si ce revenu dépasse le taux normal de l’intérêt, l’excédent devrait être réparti. C’est ce qui a lieu dans plusieurs États voisins, où les revenus de l’exercice donnent lieu, tous les cinq ou six ans, à des distributions complémentaires entre les titulaires de livrets.

« Par conséquent, on ne voit pas du tout pourquoi la loi autoriserait les administrations des caisses à employer ces bonis en souscriptions volontaires à des œuvres d’assistance publique ou en prêts de faveur, ce qui veut dire en libéralités non remboursables. Il n’est pas difficile de prévoir les abus qui s’introduiront par cette brèche. On va placer les administrations des caisses d’épargne aux prises avec toutes les sollicitations locales. Les influences politiques entreront en scène pour obtenir des concours financiers destinés à subventionner des entreprises de prétendue bienfaisance, et les caisses seront exposées à tous les périls.

« La Chambre a rejeté avec raison toutes les innovations qui avaient pour but de donner à ces institutions une initiative incompatible avec la responsabilité de l’État. Il faut rester dans cette voie. Nous avons vu en 1893 l’extrême impressionnabilité des