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nationale, la caisse d’épargne ne sera pas seulement le refuge assuré du capital en formation, elle deviendra une caisse de placement jusqu’à la limite autorisée par la loi, ce qui est contraire au but de son institution. »

Ainsi le taux d’intérêt cessera de dépasser celui du rendement que donnerait le placement direct en rentes françaises et l’incitation sera moins grande pour beaucoup de déposans à conserver à la caisse d’épargne le maximum de leurs dépôts.

Avec l’abaissement prochain à 3 pour 100 du taux de l’intérêt versé aux caisses et la réduction du minimum des dépôts à 1 500 francs, il est permis d’espérer que l’afflux des dépôts, s’il n’est totalement arrêté, ce qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses, sera au moins ralenti.


VI.

Sur la question des facilités plus grandes à donner à toutes les caisses d’épargne pour les ‘emplois de leur fortune personnelle et aux caisses dites indépendantes pour le placement d’une partie de leurs dépôts, on ne pouvait attendre du Sénat qu’il se montrât plus novateur que la Chambre des députés où les réformateurs n’ont pu sur le dernier point obtenir gain de cause.

On sait quelle brillante campagne ont menée pour ce « libre emploi » un petit nombre d’hommes énergiques, résolus, phalange hardie, portée par de vigoureuses convictions, à la tête de laquelle figure le président de la caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, M. Rostand. Si peu ambitieux que fût le programme présenté par ces prétendus révolutionnaires, il n’a pas trouvé grâce devant le Sénat plus que devant l’autre assemblée. Non seulement on lui reprochait d’ouvrir le champ à des expériences téméraires, mais il constituait un régime boiteux, rompant la belle ordonnance de la législation uniforme pour toutes les caisses. Or on sait quelle passion nous avons en France pour l’uniformité en matière administrative.

Si l’on vient à chercher ce que pensent les caisses d’épargne elles-mêmes des projets dont elles sont l’objet, on découvre que quelques-unes réclament un peu de liberté, telle la caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, mais que l’immense majorité des caisses ne souhaite rien tant que le maintien du statu quo.

Prenons pour exemple une caisse de nos grandes villes de province, devant à ses déposans de 25 à 35 millions. Ce solde s’est accru de 2 ou 3 millions dans les années 1891 et 1892. Le