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mesures, en diminuant la nature et l’importance des périls qu’elle peut faire courir.

La difficulté de la gestion, en effet, est en raison directe de l’énormité du capital. Si des réalisations deviennent nécessaires, elles doivent procéder par masses, et, même portant sur des rentes, c’est-à-dire sur la valeur qui a le marché le plus large, elles peuvent exercer une action fâcheuse sur les cours. Que serait-ce si le champ des placemens de la Caisse était étendu de telle sorte qu’elle fût obligée de chercher à réaliser des valeurs malaisément négociables ?

On objecte que la Caisse des dépôts aurait la ressource de s’adresser à la Banque de France. M. Denormandie démontre sans peine qu’en cas de crise sérieuse (et c’est le seul cas à examiner) on ne pourrait trouver à la Banque qu’un concours relativement limité.

Il est donc de toute nécessité, non seulement que le portefeuille des caisses d’épargne ne contienne en tout temps que des valeurs négociables presque à cours certains et par grandes masses, mais encore que les disponibilités de la Caisse soient accrues.

Depuis 1886, la somme non employée par la Caisse des dépôts ne peut excéder 100 millions; elle est placée en compte courant au Trésor. La commission du Sénat propose de remplacer cette disposition par la suivante :

« Les sommes non employées ne peuvent excéder 10 pour 100 du montant des dépôts au 1er janvier. Elles sont placées soit en compte courant au Trésor dans les mêmes conditions que les élémens de la dette flottante portant intérêt, soit en dépôt à la Banque de France. La partie déposée en compte courant au Trésor ne peut dépasser 100 millions. »

Le solde des dépôts étant, au 31 décembre dernier, de 3 150 millions, la Caisse des dépôts pourra donc laisser sans emploi 315 millions, dont 100 en compte courant au Trésor, et 215 déposés à la Banque de France, ces derniers sans intérêt.

Cette mesure entraînera nécessairement une diminution dans le taux d’intérêt servi aux déposans. Le rapporteur entrevoit sans inquiétude cette conséquence. « La grande préoccupation de tous, dit-il, est l’accroissement continu et excessif des dépôts qui affluent dans les caisses de l’Etat, et engagent sa responsabilité en cas de crise. Or le seul et véritable remède à cette situation réside dans l’abaissement du taux d’intérêt servi aux déposans ; tant que ce taux ne sera pas inférieur sensiblement à celui des valeurs de tout repos et en particulier de la rente