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milliards? Deux causes avaient provoqué l’afflux des dépôts : un taux d’intérêt excessif, et le maintien à 2 000 francs du maximum des dépôts individuels. Abaisser le taux d’intérêt, et ramener le maximum à 1 000 francs ou tout au moins à 1 500 francs, telle était la solution toute rationnelle et toute pratique du problème.

La réduction d’intérêt fut la première mesure adoptée.

En 1890 les caisses recevaient encore un intérêt de 4 pour 100 l’an. Mais le taux paraissait si exagéré, la rente française ayant déjà dépassé 92 francs, que la loi de finances du 26 décembre 18901e réduisit à 3,75 pour 100 à partir de 1891. Mais, disait elle-même la commission de surveillance de la Caisse dans son rapport sur les opérations de 1890, « cet intérêt réduit est de beaucoup supérieur à celui que la Caisse peut retirer actuellement de ses placemens nouveaux en valeurs d’Etat, et il est vraisemblable qu’il devra être encore abaissé, si l’on veut éviter le recours à la garantie du Trésor. »

Le taux fut maintenu à 3,75 pour 100 pendant les deux années 1891 et 1892, puis de nouveau abaissé, par une simple clause de la loi de finances du 26 décembre 1892, à 3,50 pour 100 pour l’année 1893. L’intérêt était ramené en même temps à 2,75 pour 100 pour les déposans à la Caisse d’épargne postale.

Les retraits de fonds qui se produisirent immédiatement fournirent la preuve que ceux-là avaient vu juste qui dénonçaient le taux excessif d’intérêt comme une des causes directes de l’hypertrophie des caisses d’épargne.

C’est au cours de cette période de retraits qu’arriva devant la Chambre (février 1893) un projet de réforme des caisses d’épargne déjà voté en première lecture, et que la commission rapportait revu, corrigé, amélioré pour une seconde délibération. Entre autres innovations, il ramenait de 2 000 à 1 000 francs le maximum du compte ouvert à chaque déposant.

La limite de 2 000 francs est manifestement trop élevée. Si une somme de 1 000 francs peut être considérée comme de la petite épargne, c’est-à-dire exactement de l’espèce d’épargne que les caisses ont pour mission d’aider à se former et de recueillir, il n’en est plus de même pour une somme variant de 1 000 à 2 000 francs. Pour celle-là, tous les genres de placement sont ouverts aux capitalistes, la caisse d’épargne lui doit rester fermée. La commission l’avait sagement compris; mais elle était quelque peu naïve en supposant qu’elle le ferait comprendre au gouvernement et à la Chambre.

Elle dut se contenter d’une demi-mesure et obtint que le