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au début de 1892. Bientôt s’agiteront les questions budgétaires que les propositions de M. Burdeau pour l’exercice 1895 vont mettre à l’ordre du jour dès la rentrée des Chambres après les vacances de Pâques. Dans le même temps se décidera le sort du programme financier de M. Sonnino, puis celui des lois d’impôt que discute le Reichstag allemand pour l’augmentation des forces militaires de l’empire votée l’année dernière.


I.

Le commerce extérieur de la France a suivi depuis l’adoption du tarif douanier de 1892 un mouvement continu de recul. Les partisans du système protectionniste peuvent chercher à donner de ce phénomène des raisons étrangères à la politique douanière et montrer que le commerce extérieur a également décru dans les autres pays, notamment en Angleterre, aux États-Unis, en Italie, en Espagne. Ils ne peuvent nier le phénomène, et celui-ci a une portée d’autant plus significative que notre commerce extérieur n’avait cessé de se développer depuis 1860, et que l’année 1891 a marqué le point culminant de cette progression.

De 1857 à 1861, le montant moyen annuel de nos échanges avec l’étranger avait été de 3 milliards 927 millions. Dix années plus tard il atteignit 6 056 millions. Le total s’élevait à 8 milliards 190 millions en 1890, à 8 337 millions en 1891[1]. Le régime des traités de commerce avait fait ainsi ses preuves. Il ne viendra certes à la pensée de personne de lui attribuer exclusivement l’honneur d’une telle poussée d’expansion commerciale. Chacun fera la part qui convient à la multiplication des voies ferrées, aux applications merveilleuses des découvertes de la science, aux grands phénomènes économiques produits par ces applications dans la période de 1860 à 1870. Au moins ne saurait-on soutenir sérieusement, comme quelques protectionnistes l’ont osé faire, que les innovations de 1860 ont compromis la prospérité de notre commerce extérieur.

Les courans commerciaux que représentent les énormes totaux des dernières années accusent une intensité remarquable d’activité dans toutes les branches du travail et de la production . Ils impliquent des relations extrêmement nombreuses avec les nations voisines ou lointaines et sont la source de bénéfices industriels considérables. Leur développement continu a été un des facteurs

  1. Tous ces chiffres et ceux qui suivent se rapportent au commerce « spécial » (importations et exportations réelles), distinct du commerce « général » dans lequel sont compris l’entrepôt et le transit.