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De cette coïncidence qui, à la rigueur, pourrait être fortuite, à l’hypothèse que la lumière consiste en courans de déplacement variant périodiquement avec une extrême rapidité, il y a un abîme logique ; cet abîme, Maxwell l’a franchi d’un bond, et il a créé ainsi la théorie électromagnétique de la lumière.

Traitée d’abord comme un aperçu ingénieux et paradoxal, la théorie électromagnétique de la lumière n’a pas tardé à regagner, dans l’esprit de plusieurs physiciens, la faveur accordée jusque-là à la théorie élastique, son aînée. Sans doute, l’obscurité et la confusion des principes sur lesquels elle repose déroutent et rebutent quelque peu ceux que leur « éducation dispose à goûter la précision et la logique avant toute autre qualité » ; ceux qui admirent la manière de procéder des maîtres de l’École française, de Laplace à Cauchy ; ceux qui, dans une théorie, « non seulement ne tolèrent pas la moindre apparence de contradiction, mais encore exigent que les diverses parties en soient logiquement reliées les unes aux autres et que le nombre des hypothèses distinctes soit réduit au minimum ». Mais, ces esprits-là se font rares aujourd’hui ; leurs exigences semblent exagérées à beaucoup de physiciens ; plusieurs même les trouvent un peu ridicules, et, avant la précision et la logique, qui ne satisfont que la raison, font passer la généralité des aperçus et l’imprévu des rapprochemens, qui séduisent l’imagination ; aussi fait-on grâce à la théorie électromagnétique de l’obscurité de ses origines ; on lui demande seulement d’être féconde en applications.

Dans les applications, d’ailleurs, la théorie électromagnétique semble présenter certains avantages sur la théorie élastique ; elle rend compte, plus aisément peut-être, des lois de la réflexion et de réfraction de la lumière ; si la dispersion des couleurs semble difficilement explicable dans la théorie électromagnétique, elle l’est aussi dans la théorie élastique ; pour accorder les idées de Maxwell avec la découverte de Newton, M. Helmholtz a proposé une hypothèse ; cette hypothèse est aussi plausible et plus compréhensive en apparence, que celles par lesquelles on tente de relier cette découverte aux idées d’Huygens et de Fresnel ; enfin, et surtout, la théorie électromagnétique n’exige plus que l’éther soit un corps solide ; rien n’empêche, dans cette théorie, l’éther d’être un fluide ; rien ne l’oblige à être une substance spéciale, impondérable, distincte de tous les corps solides, liquides ou gazeux que nous connaissons ; il peut avoir la même nature chimique que les corps qui nous entourent ; il peut être formé par les vapeurs de ces corps, vapeurs extrêmement raréfiées, réduites à un état ultra-gazeux. Aussi voit-on aujourd’hui les géomètres