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par ordre du ministre rentrent successivement au camp du Piéton et portent l’effectif de l’armée française à 45 000 hommes environ; les alliés[1] se concentrent et s’approchent; Condé pressent une rencontre prochaine, terrible, décisive. Les grand’gardes sont poussées en avant ; la cavalerie légère redouble d’audace. Chaque jour est marqué par un nouvel exploit de Saint-Clas. Le 8 août, il rentre après avoir enlevé un courrier important, dont suit le résumé : les ennemis sont campés d’Arquennes à Nivelles ; ils prétendent avoir 170 escadrons, donnant de 30 à 35 000 chevaux, 70 bataillons, donnant de 35 à 40 000 hommes, soit 65 à 75 000 hommes. De plus, ils peuvent appeler les garnisons de Flandre ou de Hainaut. Ils font le pain à Mons ; ils ont des amas de blé à Bruxelles.

Le 9 août à dix heures du soir, M. le Prince écrit au Roi : les ennemis ont remué ; leur gauche est toujours près d’Arquennes ; les avant-postes de leur droite sont poussés jusqu’au bois de Buisseret, dans la direction de Familleureux ; leur front entre Feluy et Seneffe. Marcheront-ils demain? — Nous craignions de manquer de fourrage, et, ne voulant pas reculer jusqu’à Maubeuge, où l’on ne serait plus à portée de rien, nous cherchions aux environs une nouvelle position, sans espérer de rencontrer tous les avantages militaires dont nous jouissons en ce moment... Il est probable que les ennemis vont nous tirer d’embarras en marchant. « Nous tascherons de les bien recevoir. Jusqu’icy nos partis n’ont pas esté malheureux. J’ay esté toute la journée à cheval pour les aller reconnoistre. »

M. le Prince est en train. Il sent la poudre, et ses forces se sont ranimées.

Le 10, les alliés font séjour. Des deux côtés, les généraux sont dehors; on s’observe sans s’aborder. Le prince d’Orange, ses familiers, ses partisans voudraient donner aux retranchemens français, cherchent le point faible, ne le trouvent pas, rentrent assez dépités dans leurs quartiers. Cependant ils rapportent une observation consolante, — toute médaille a son revers : — plus la position des Français est forte, hérissée d’obstacles, plus il sera difficile d’en sortir. Décidément Condé n’est plus aussi redoutable ; on le laissera se morfondre derrière ces retranchemens où il se trouve en sûreté, et, s’il se décide à sortir, avant qu’il n’ait franchi la Samme[2] et qu’il ne soit dégagé des défilés qui l’entourent,

  1. Armée de l’Empire ; comte de Souches, feldzeugmeister, proclamé général en chef des alliés. Année des Provinces-Unies : le prince d’Orange, stathouder, l’âme de la coalition. Armée d’Espagne : le comte de Monterey, capitaine général, représenté à la tête des troupes par le marquis d’Assentar.
  2. La Samme se jette dans la Senne au-dessous de Tubize, à 4 000 mètres en amont de Hal.