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par une heureuse divination et qui, mise hors de contestation, de nos jours, par les expériences de Foucault, est devenue une des lois fondamentales de l’optique.

Après avoir expliqué la réfraction dans les milieux tels que le verre ou l’eau, Huygens aborde l’étude « de l’estrange réfraction du cristal d’Islande », c’est-à-dire de la double réfraction, qu’Érasme Bartholin avait découverte dans le spath d’Islande et que l’on devait retrouver ensuite dans le cristal de roche et dans toutes les substances cristallisées n’appartenant pas au système cubique ; avec un rare bonheur, il débrouille les lois compliquées de ce phénomène et les amène au degré de clarté et de perfection définitives où Descartes avait conduit la loi de la réfraction dans les substances uniréfringentes ; en passant, il sème, au sujet de la formation des cristaux, quelques idées qui, développées plus tard par Rome de l’Isle et par Haüy, deviendront la cristallographie.


III

« On voit, disait Descartes en 1637, que, pour expliquer comment nous percevons la lumière et les couleurs, il n’est pas nécessaire de supposer que les objets laissent émaner vers notre ceil quelque chose de matériel, » et Huygens écrivait en 1678 : « De plus, quand on considère l’extrême vitesse dont la lumière s’étend de toutes parts, et que quand il en vient de différens endroits, mesme de tout opposez, elles se traversent l’une l’autre sans s’empescher ; on comprend bien que, quand nous voyons un objet lumineux, ce ne sçaurait être par le transport d’une matière, qui depuis cet objet s’en vient jusqu’à nous, ainsi qu’une baie ou une flèche traverse l’air ; car assurément cela répugne trop à ces deux qualités de la lumière, et surtout à la dernière. » L’idée que Descartes et Huygens condamnaient en ces termes allait triompher au xviiie siècle.

« Est-ce que toutes ces hypothèses par lesquelles on imagine la lumière comme une certaine pression ou comme un certain mouvement propagé par l’intermédiaire d’un fluide ne sont pas des erreurs ? » écrit Newton, en 1704, dans l’une des Questions qui terminent son Optique. Supposez, en effet, que la lumière soit une pression ou un mouvement, et, sur son trajet, placez un écran ; au delà de cet écran, l’ombre pourra-t-elle être séparée de la lumière avec une netteté, avec une brusquerie géométriques ? la pression ou le mouvement que l’on imagine dans la nappe lumineuse ne va-t-il pas se propager, se diffuser, dans la région immobile