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une bride complète, on le l’ait pendant longtemps travailler sur place : ce sont d’abord des flexions directes et latérales de la mâchoire, de l’encolure, de la croupe ; puis le reculer, les pas de côté, la flexion directe de la tête ou ramener, mobilisation de la croupe autour des épaules, rotation des épaules autour des hanches, enfin marcher à main droite et à main gauche ; puis le même travail est répété sous le cavalier.

Tout ce système d’assouplissemens dont on a fait tant de cas ne saurait en réalité s’appliquer au dressage des jeunes chevaux. Comme le disent les Anglais, l’exercice que le poulain a pris en liberté dans les prairies a été pour lui la meilleure gymnastique ; il est certainement, à trois ans, aussi souple dans toutes les parties de son corps qu’il pourra jamais le devenir, ainsi que le montrent tous les mouvemens qu’il exécute de lui-même, à l’écurie et dehors ; il est même trop souple, trop mou de partout, et ses muscles, particulièrement ceux de l’encolure, ont plutôt besoin d’être durcis pour qu’on puisse le diriger sûrement en tous sens.

En outre, forcer les attitudes et les mouvemens, comme le voulait le chef de la nouvelle Ecole, en vue d’obtenir de tous les chevaux le même « équilibre », est par conséquent contraire à la nature et aux principes de l’art. Cela peut séduire, par des dehors brillans, des spectateurs peu éclairés, mais je suis profondément étonné que des écuyers d’une grande valeur s’y soient laissé prendre, eux qui devaient savoir que le vrai talent du dresseur consiste à juger les aptitudes diverses des divers chevaux et à en tirer le meilleur parti sans les forcer.

La célébrité que s’était acquise Baucher par les représentations du cirque, le travail fort curieux de ses chevaux, les airs nouveaux qu’il avait inventés, parmi lesquels le reculer au galop et les pirouettes renversées sur trois jambes, qui venaient encore augmenter toutes les inutilités de l’équitation « savante, » eurent un grand retentissement. Pour ma part, je n’hésite pas à déclarer que, malgré son très réel talent, je considère Baucher comme l’homme qui a fait le plus de tort à la saine équitation.


III

De nouvelles disputes s’élevèrent, plus ardentes que jamais entre les Bauchéristes et les d’Auristes, ceux-ci partisans du comte d’Aure. Le nouveau système fit cependant de grands progrès ; chacun voulut « bauchériser » ses chevaux. Que d’animaux furent ainsi martyrisés et que de flots d’encre coulèrent inutilement ! L’engouement nouveau dura longtemps et, tout récemment encore, on essaya, d’ailleurs sans succès, de le ranimer.