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Frédéric Grison, un des premiers écuyers de ce temps qui ont écrit, sinon le premier, apporta de fort bons préceptes. Son livre, — intitulé : l’Ecurie du S. Frédéric Grison, gentilhomme napolitain, imprimé à Paris en 1579 par Guillaume Auvray, rue Jean de Beauvais, à l’enseigne du Bellérophon couronné, et dédié par ce dernier à puissant et illustre seigneur, messire François d’Escourbeau, — montre que l’auteur avait à un haut degré ce qu’on appelle le sentiment équestre. Mais l’ouvrage est un peu gâté par des considérations étrangères au sujet ; par la naïveté pompeuse de certaines théories ; par le crédit que Grison accorde à des moyens empiriques qu’en style de métier on nomme des « trucs » ou des « ficelles », enfin par le manque de divisions dans le texte, ce qui le rend difficile à consulter.

Après avoir dit « qu’il n’y a, en tout l’art militaire, discipline plus belle que celle qui enseigne à dompter, piquer et dresser les chevaux » ; après avoir fait le panégyrique obligé du cheval : « Or qui pourroit jamais dire à plein les louanges et la grand vertu du cheval ? Qui est celuy qui ne le recognoist Roy des animaux, ains une roche inexpugnable et transfidèle compagnon des rois ? » après avoir rappelé les mérites de Bucéphale et de Pégase, il nous déclare que la qualité du cheval dépend des quatre élémens et se conforme plus avec celui duquel plus elle participe : « S’il tient de la terre plus que des autres, il sera mélancolic, terrein, pesant et de peu de cœur : et est coustumièrement de poil moreau, ou de couleur de Cerf, ou pommelé, ou de poil souris, ou de telles autres couleurs meslées. Si plus de l’eau, il sera phlegmatique, tardif, et mot ; et le plus souvent il est blanc. Si plus de l’air, il sera sanguin, gaillard, prompt et tempéré en ses mouvemens : et a coustume d’estre bay. S’il tient plus du feu, il sera colère, léger, ardent et sauteur, et n’avient guiere qu’il soit fort nerveu, et est communément roux alezan, ressemblant à la flamme ou plustost à charbon ardent. Mais quand avec la deuë proportion il sera participant de tous les élémens ensemble, alors il sera parfaict. Or entre tous les poils, le Bay chastain, etc. » Les renseignemens de ce genre abondent dans les anciens ouvrages hippiques, et même dans les modernes.

La méthode de dressage de Frédéric Grison est fort simple. Dès que le jeune cheval suivra sans résistance et sans se faire tirer l’homme qui le mène avec le caveçon, on le conduira en le flattant et le caressant et en le faisant quelquefois menacer par quelqu’un qui sera près de lui et qui le frappera des mains du côté droit pour le placer près du montoir ; puis quand l’animal sera bien placé, on l’assurera doucement en lui passant la main sur le col et la croupe et, l’ayant ainsi monté, « on le chevauchera