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des attributs et des organes empruntés aux diverses espèces du règne animal.


Humano capiti cervicem pictor equinam
Jungere si velit…
Spectatum admissi risum toneatis amici.


Concluons. Ce qui résulte de cet examen, c’est que le chef de l’Etat, étant à la fois, par la Constitution de 1875, privé de toute action matérielle par l’irresponsabilité, et de toute action morale par la nature de son origine, est en réalité complètement annulé, et que son impuissance légale est un fait dont les uns peuvent se plaindre et les autres s’accommoder, mais que personne ne peut contester. Dès lors le pouvoir législatif subsistant seul, puisque le pouvoir exécutif n’est plus rien, nous sommes tombés dans la confusion dont l’Assemblée républicaine de 1848 avait repoussé la pensée. Nous tendons au régime pur et simple de l’omnipotence parlementaire. Ce n’est pas tout à fait le système préconisé alors par M. Grévy, mais peu s’en faut. Entre le droit de révoquer un pouvoir et la puissance de l’anéantir, en fait, la différence n’est pas grande, et en pratique le résultat est le même.

Aussi ne puis-je partager la surprise, des publicistes naïfs qui s’étonnent que sous un tel régime les Chambres soient indociles, les ministères soient mobiles et ne sachent pas grouper autour d’eux une majorité qui leur soit fidèle. Et quel moyen pourrait-on trouver de discipliner la majorité d’une assemblée quand, se sachant souveraine maîtresse, elle ne voit en face d’elle aucun pouvoir qu’elle soit tenue de respecter ? Jamais, de mémoire d’homme, ministre constitutionnel n’a été mis à pareille épreuve. Parmi les chefs parlementaires illustres, je ne suis pas d’âge à avoir connu celui dont on rappelle le plus volontiers aujourd’hui la mémoire : mais j’ai approché de très près ceux qui, après l’avoir appuyé dans ses luttes contre l’esprit révolutionnaire et avoir vécu dans son intimité, lui ont succédé, non sans éclat, et je réponds que pas un d’eux ne se serait cru en état de mener la barque parlementaire si, privée du lest de la royauté, elle fût restée exposée, sur la nier toujours houleuse d’une assemblée, à tous les souffles du vent qui passe.

Il ne semble donc pas, en résumé, que des deux modes entre lesquels la République doit choisir pour l’élection du chef de l’Etat, l’un à l’épreuve se soit montré plus satisfaisant que l’autre. Le premier, celui qu’avait adopté la République de 1848, l’a conduite tout droit au pouvoir absolu d’un favori de la foule. Le second, qu’a préféré la loi de 1875, la mène par un déclin