Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marron, ou les différentes teintes du vert, peuvent se former de la même manière. Elles peuvent résulter de la superposition de plusieurs mouvemens vibratoires simples.

En général, la coloration des corps résulte de la diffusion des rayons lumineux qui les éclairent. Les corps absorbent une partie des rayons, lumineux et on réfléchissent d’autres. Le mélange de ceux qui sont réfléchis produit sur l’œil l’impression d’une teinte déterminée. Une étoffe nous paraît rouge, parce qu’elle réfléchit surtout la lumière rouge et qu’elle absorbe les autres couleurs. Si elle réfléchissait tous les rayons solaires, quels qu’ils fussent, l’étoffe nous paraîtrait blanche. Si, au lieu de les réfléchir, elle les absorbait, l’étoile semblerait noire.


III

On a vu, par les explications qui précèdent, que l’origine des couleurs tient à une cause physique ou mécanique, et non à une cause chimique. La lumière blanche qui les renferme toutes n’est que la résultante de l’infinité des couleurs simples qui existent et qui se succèdent par gradation du rouge au violet. On s’en aperçoit aisément lorsqu’on fait passer un rayon de soleil au travers d’un cristal taillé en facettes.

Pour se rendre compte de la direction suivie par les idées de M. Lippmann, avant d’aboutir, par l’application de la théorie des mouvemens vibratoires, à la photographie des couleurs, il faut encore dire un mot des phénomènes « l’interférence.

Qu’arrive-t-il, lorsque deux mouvemens vibratoires se rencontrent ? Il arrive, si les vibrations sont sonores, que du son ajouté à du son peut produire, tantôt une amplification du mouvement sonore, tantôt une destruction de ce mouvement ; — c’est-à-dire du silence.

On ne connaît pas assez l’expérience faite en 1839 par le colonel Napoléon Savart, qui a démontré, avec élégance, le principe des interférences sonores. En avant d’un grand mur de la citadelle où il tenait garnison, ce savant officier avait placé un timbre qu’il faisait vibrer en le frappant avec un marteau. Le timbre devenait ainsi le centre d’une onde directe qui se propageait jusqu’au mur de la citadelle et s’y réfléchissait. En d’autres termes, l’action du son s’exerçait contre le mur, lequel renvoyait ce son au point de départ et donnait ainsi lieu au phénomène d’interférence. Parmi les soldats échelonnés sur la ligne qui séparait le timbre du mur, les uns purent constater un renforcement sensible de la vibration sonore, les autres, au contraire, exactement placés au point d’interférence, n’eurent la perception d’aucun son.