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du XVIIe siècle ; celles-ci à leur tour, quoique jouissant déjà d’une partie des biens de la vie commune, et en pleine voie de transformation, offrent bien peu de similitudes avec les cités élégantes, commodes, nettoyées, arrosées, éclairées, surveillées, que nous avons sous les yeux. La valeur d’une habitation urbaine ne réside pas tout entière en elle-même ; elle dépend du milieu où l’immeuble est situé. La preuve c’est que la même maison a, de nos jours, un prix très variable suivant qu’elle est placée dans une ville ou dans une autre, et, dans la même ville, suivant les quartiers.

Qu’importe le cadre ! dira-t-on. Beau ou laid, il ne change rien au tableau. Ce n’est pas une ville d’autrefois qu’il s’agit de comparer avec une ville contemporaine ; mais des maisons que nous considérons isolément, et dont nous voulons connaître les variations, en capital et en intérêts, à travers les âges. Certes mais les maisons aussi se sont modifiées comme les villes, — les maisons de Paris et des grands centres surtout. — Il n’y a guère que les chaumières des paysans qui soient à peu près, en 1893, ce qu’elles étaient en 1200. Encore ont-elles toutes des fenêtres, ce dont elles étaient dépourvues jadis ; encore sont-elles beaucoup mieux bâties, mieux couvertes et, à l’intérieur, beaucoup mieux aménagées qu’aux siècles anciens.

Dans la plupart des agglomérations actuelles, les édifices privés antérieurs au XVIIe siècle ont presque totalement disparu. S’il reste quelque vestige de l’un d’entre eux, on le montre à l’étranger comme une curiosité locale ; généralement ce sont des spécimens remarquables de l’architecture urbaine, aux tours sculptées, aux façades historiées : l’hôtel de Bourgtheroude à Rouen, celui de Jacques Cœur à Bourges, l’hôtel de Sens à Paris, celui de Briçonnet à Tours. Du XIIIe siècle, il ne subsiste que quelques échantillons, chaque jour plus rares, à Cluny, Chartres, Figeac, Saint-Gilles (Gard) ou Metz. Comme presque tous sont précisément des morceaux de choix, que leur mérite a tirés du pair et a fait respecter, en même temps que la qualité de leur construction les maintenait debout, ils nous induiraient en erreur sur l’ensemble des habitations du moyen âge, en les représentant sous des couleurs beaucoup trop flattées, plutôt qu’ils ne serviraient à nous faire apprécier cette camelote d’échafaudages « de boue et de crachats », selon le dit vulgaire, aussi minces et fragiles que les donjons ruraux étaient épais et résistans.

Les bâtimens qui les ont remplacés ne leur ont ressemblé en rien. Leur gros œuvre s’est composé de matériaux plus solides et de substance plus durable, — les façades des maisons ordinaires,