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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars.


Le parti radical ne peut se consoler du départ des républicains modérés qui, depuis les élections de l’an dernier, lui ont faussé compagnie. Il trouve l’isolement amer, craint pour son immortalité, et supporte mal les dégoûts dont l’abreuve le socialisme, ce fils naturel et tant chéri, qu’il avait eu en dehors de son mariage avec l’opportunisme et sur lequel il fondait de si grandes espérances. Aussi fait-il retentir l’air des réunions publiques d’appels touchans à la moitié qui l’a délaissé ; les échos du Salon des familles, à Saint-Mandé, nous apportaient il y a quelques jours l’éloge séduisant de la concentration ancienne sorti de la bouche de M. Floquet.

Les représentans de ces deux opinions si longtemps conjointes ont, pendant leur union orageuse de plus de quinze années, parlé fréquemment de divorce. Après que les étapes initiatrices de la lune de miel eurent été franchies, à mesure que s’éloignaient les circonstances sous la nécessité desquelles ils avaient dû s’associer, radicaux et modérés reconnaissaient qu’entre eux l’incompatibilité d’humeur ne cessait de croître, et chaque jour leur faisait davantage souhaiter la séparation. Lorsque la politique qui avait fait ce mariage civil en eut consacré la dissolution, au mois d’août 1893, celui des deux groupes au profit de qui elle avait été prononcée, celui auquel le suffrage universel avait adjugé la fortune, — la fortune de la France, — s’est mis à marcher d’un pas plus allègre vers une destinée plus conforme à ses goûts. Il n’a point contracté de nouvelle alliance, il est assez puissant pour vivre seul ; mais il ne ferme point sa porte à d’anciens adversaires venus s’asseoir à son foyer, pour y jouir de la paix nationale dont ils augmentent les garanties par leur présence.

Telle est l’évolution qui s’est accomplie depuis le dernier printemps. Ceux d’entre nous qui l’ont conseillée s’en réjouissent ; il va de soi que les autres, les radicaux, étroitement comprimés entre une extrême gauche qui leur répugne, et une majorité qui les désavoue, s’en désolent. M. Floquet a été l’interprète de leurs ressentimens, dans le banquet où il remerciait les électeurs sénatoriaux du département de la Seine de l’avoir introduit à l’assemblée du Luxembourg. Ce qui prouve l’inanité des griefs que les amis de l’ancien président de la Chambre