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dire : « Il y a là-bas au bâtiment de la Vierge une vieille infirmière qui est malade et vous demande, » il ne recevait aucune réponse, mais il ne se répétait pas, sachant bien ce qui allait se passer. Le travail du laboratoire achevé, la visite des malades terminée : « Allons au bâtiment Lassay, » disait le maître, et on partait par la pluie ou par la neige, et s’il n’avait plus de remède à trouver, il savait les mots qui réconfortent et qui rendent de l’espoir aux désespérés. Charcot a trouvé dans le personnel de la Salpêtrière un dévouement sans limite. Lorsqu’il faisait son cours libre, et qu’il était réduit à ses seules ressources, la préparation de ses conférences était comme la préparation d’une fête, c’était l’affaire de chacun et de tous, et tous se réjouissaient à la vue de la marée montante des disciples… Ce dévouement, il l’avait gagné.

Charcot a vu passer dans son cabinet de consultations des malades de tous les pays de l’Europe et de l’Amérique ; il en est venu de l’Afrique et du fond de l’Asie. Ce n’était pas seulement sa célébrité de savant qui les attirait, c’étaient ses qualités de médecin. C’est que, quand il ne savait pas guérir, il savait soulager et consoler.

Bien que les drogues tiennent peu de place dans son enseignement et dans ses travaux, il ne se désintéressait pas du traitement, mais c’était un empirique en thérapeutique ; il tenait peu de compte des déductions du laboratoire, il préférait les remèdes qui avaient fait leurs preuves dans la médecine humaine. Charcot est un de ceux qui ont le plus contribué à la vulgarisation, dans le traitement des maladies nerveuses et par suite dans l’hygiène générale, de l’hydrothérapie qu’il avait vue fonctionner dans les mains de Fleury et dont il avait expérimenté sur lui-même les effets. Il a présidé à la fondation à la Salpêtrière d’un établissement d’hydrothérapie qui peut servir de modèle. Il a fait accepter l’isolement, dans le traitement des psycho-névroses pour lesquelles la séquestration n’est pas nécessaire, et en particulier dans le traitement de l’hystérie. C’est sous ses auspices qu’a été installé à la Salpêtrière le service électrothérapique. On peut rappeler encore ses travaux sur le traitement de la paraplégie du mal de Pott par les pointes de feu, sur le traitement du vertige auriculaire par le sulfate de quinine, sur la compression de l’ovaire dans l’hystérie, etc. Dans un article récent, sur la foi qui guérit, il a donné l’interprétation de la médecine morale comme il la comprenait. Il s’est servi de l’hypnotisme comme moyen d’étude ; mais en dehors de l’hôpital, il est douteux qu’il l’ait jamais utilisé comme moyen thérapeutique. Du reste, depuis que l’hypnotisme est entré décidément dans la période des applications, il a été délaissé dans l’enseignement de la Salpêtrière.