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25 août.

« La peste de Marseille a gagné les terres. On commence à craindre pour la Provence ; 6 000 paysans gardent la Durance pour les Français, le duc de Savoie fait garder le Var. À Barcelone on a défendu toute correspondance avec Marseille, et ainsi de tous les pays étrangers, ce qui va ruiner le commerce de cette ville. »


2 septembre.

« La peste de Marseille est plus forte que jamais. On y a envoyé M. Chicoyneau, médecin de Montpellier, chancelier de l’Université, gendre de Chirac, médecin du Régent, avec un M. Loutré, habile chirurgien. Ils ont écrit de là à M. de Roquelaure, commandant en Languedoc, qu’ils venaient de voir le plus affreux spectacle que la nature puisse présenter à des hommes : une infirmerie où il y a plus de 500 malades mourans, abandonnés sans aucun secours et qui n’ont pas même d’eau pour boire ; un amas de cadavres que l’on n’emporte point, qui sont entre les salles de cette infirmerie ; une ville désolée et gémissante, des familles entières détruites, les médecins et les chirurgiens presque tous morts, les religieux de la Mercy de 80 réduits à 4, dont 3 se sont enfuis ; les environs de la ville remplis de pillards et de voleurs qui pillent les bastides des bourgeois, et qui eux-mêmes ne savent comment ils pourront s’échapper ou de la peste ou des voleurs.

« Les Génois, par pitié, leur viennent d’envoyer 8 000 quintaux de blé et on fait la garde à Montpellier. Tous les corps, à commencer par le clergé, font cette garde, et personne n’y entre.

« À Aix, il est mort un homme de la peste dans le faubourg : on a muré sa maison, et à la porte de la ville on a tué trois hommes de Marseille qui y voulaient entrer. Le Parlement, par arrêt, a jugé cet homicide nécessaire et a ordonné une garde exacte. À Lyon, on commence aussi à faire la garde aux portes. M. l’archevêque l’a commencée lui-même, et quelque personne que ce soit n’entre plus sans un billet de santé. »


25 septembre.

« La peste est plus forte que jamais à Marseille. M. de Langeron, commandant sur les galères, est entré dans la ville avec des troupes et des galériens, et ils l’ont nettoyée en trois jours de tous les corps morts et immondices ; mais, trois jours après, elle s’est trouvée en aussi mauvais état. Il y a eu un arrêt du conseil du 14 septembre, en 26 articles, qui est un très beau règlement sur la peste et les précautions.

« L’évêque, qui a fait merveille jusqu’à présent, voyant qu’il n’y