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comme la moitié de la France : la ligne de l’Hindou-Kouch et celle du Kara-Koroum sont occupées par les Anglais depuis le col de Chimehal jusqu’à la longitude de Gandamak, et le problème qui consistait à donner au nord-ouest de l’Inde une bonne frontière stratégique est aujourd’hui résolu. On sait que la solution définitive de ce problème n’avait jamais pu être atteinte par les Anglais jusqu’à présent, et, qu’elle avait toujours dû être ajournée à la suite de chacune de leurs conquêtes successives dans cette direction : au-delà de chaque vallée nouvellement acquise au prix d’efforts considérables, s’ouvraient toujours d’autres vallées dont les rivières torrentielles débouchaient les unes dans les autres par les tracés les plus capricieux, formant un réseau inextricable et ouvrant, dans les lignes frontières les mieux étudiées, des brèches qui les rendaient imparfaites.

Nous dirons, en racontant bientôt quelques-unes de nos aventures de voyage, dans quelles circonstances nous avons eu la bonne fortune de rencontrer et de voir à l’œuvre, sur le terrain de se exploits, notre confrère le capitaine Younghusband. La nouvelle province ne peut être, confiée à de meilleures mains, c’est-à-dire que ce pays de montagnes énormes et infranchissables, peuplé de brigands féroces, ne peut être gouverné par un chef plus résolu, plus énergique, plus loyal, connaissant mieux le pays et y ayant mieux fait ses preuves à tous égards.

Cette conquête nouvelle a répondu coup pour coup à celle du Pamir proprement dit par les Russes, et, en même temps qu’elle a restreint les conséquences politiques de cette dernière opération, elle a d’emblée réduit les prétentions territoriales de la Russie à leur minimum. Car on se souvient de la réponse faite en 1891 par le cabinet de Saint-Pétersbourg aux observations de l’Angleterre lors de la première campagne du colonel Yonoff : « Cette expédition a l’ordre, répondit-on, de rester constamment au nord de la ligne de faîte de Hindou-Kouch et du Karakoroum ; elle ne sort donc pas du territoire russe. » Or, maintenant les Anglais, non seulement ont atteint de leur côté cette même ligne de faîte que les forces russes n’avaient pas occupée d’une façon permanente, mais encore ils émettent des prétentions, au nord de cette ligne, sur certains territoires, tels que le Ouakhan et d’autres pays voisins.


V

Au point où en sont maintenant les choses du Pamir, une délimitation, amiable ou non, est imminente et nécessaire entre les