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Manchester. La profondeur sera partout, et à tout moment, de 8m, 60, soit sensiblement celle du canal de Suez aujourd’hui. La largeur du plafond est de 36m, 60, ce qui permettra, mieux encore qu’à Amsterdam, le croisement en route de la plupart des navires.

De l’écluse d’East-Ham au quai de Woden-Street, la différence d’altitude est de 18m, 45. Les navires s’élèvent progressivement à cette cote par quatre écluses réparties sur le parcours, ayant, à quelques centimètres près, 20 mètres de large et 183 mètres de long, dimensions qui les rendent accessibles à tous les navires — sauf trois ou quatre — actuellement construits. Des écluses, dira-t-on, voilà une imperfection : ne pouvait-on l’éviter ? La question des écluses ne se pose pas à l’égard d’un canal de pénétration de la même façon que pour un canal de transit. Dans les deux cas, l’écluse est incontestablement une entrave à la marche et une chance d’accident ; mais dans le canal de transit, dont les deux extrémités sont au même niveau, cette complication ne serait justifiable que par des raisons très sérieuses d’économie dans la construction. Lorsqu’il s’agit au contraire de faire pénétrer des navires au cœur d’une ville éloignée de la mer et située à une certaine altitude, il y a toujours nécessité de les y placer à la hauteur des quais : il faut donc les élever, et les écluses sont, dans ce cas, les plus économiques des machines élévatoires, en même temps que, judicieusement réparties sur le parcours, elles diminuent notablement la profondeur à laquelle il faut excaver.

Notons aussi qu’à Manchester on a compris, mieux qu’ailleurs, la nécessité de protéger efficacement les berges du canal contre les lames et les courans que provoque le déplacement du navire. Là où ces berges ne sont pas naturellement taillées dans une roche résistante, elles ont été revêtues sur toute leur hauteur d’un muraillement fait avec un soin extrême, et qui assure leur maintien au grand bénéfice de la conservation et de l’entretien du canal. Dans cette voie large, profonde et sûre, les navires pourront, sans danger, développer une vitesse de 6 nœuds à 6 nœuds et demi, soit 11 à 12 kilomètres. Le passage des écluses leur prendra bien, il est vrai, deux à trois heures ; mais, somme toute, de l’estuaire de la Mersey à Manchester, la durée du trajet ne semble pas devoir être de plus de huit à neuf heures. C’est beaucoup de temps gagné sur l’état actuel. C’est aussi pour le commerce une grande économie d’argent.

Sur les canaux de Suez, d’Amsterdam et de Corinthe, la taxe ne frappe que la jauge du navire. En vertu de l’acte de concession du Ship-Canal de Manchester, la taxe sur la jauge ne constitue qu’une recette accessoire peu importante. La compagnie paraît même disposée à n’en pas faire état. C’est principalement la marchandise