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II. — NÉGOCIATION SECRÈTE CONDUITE PAR Mme DE LONGUEVILLE. — URANIE ET NESTOR. — ALCANDRE ET MÉCÉNAS. — 1657.

Le maréchal de Gramont n’était pas seul à soupirer après le retour de Condé, un retour volontaire, réglé librement entre Français, directement obtenu du roi et non imposé par l’étranger. C’était le rêve de Mme de Longue ville. Soumise au plus sévère des examens, sa conscience lui reproche l’égarement de ce frère chéri ; elle a plus que personne contribué à l’écarter de la voie droite ; c’est une des erreurs coupables dont elle fait pénitence et qu’elle veut réparer. À peine sortie de Bordeaux, elle s’attachait à cette idée ; dès qu’elle eut reconquis sa place auprès de son mari, dans le monde, à la cour, elle en poursuivit l’application.

Les premières tentatives furent conduites avec précaution. On se sentait surveillé ; il ne fallait causer d’ombrage nulle part. Il fallait aussi ménager l’orgueil de Condé, ne rien proposer qui pût effaroucher sa superbe, réveiller sa violence. Il parut prudent de faire parler d’abord M. de Longueville, qui, n’ayant pas pris part aux derniers troubles, ne pouvait être soupçonné d’obéir à aucun autre mobile que l’amitié.

Un gentilhomme, envoyé à Bruxelles pour une affaire qui intéressait le comte de Saint-Paul[1], remit à Condé un message de son beau-frère : M. le Prince était-il « d’humeur à traiter sans les Espagnols » ? Consentirait-il à confier le duc d’Anguien à M. de Longueville, qui serait heureux de recueillir ce jeune prince et le garderait chez lui, en France[2]?

Plus tard[3], un écuyer de Madame la Princesse, nommé Chapizeau, voyageant en Normandie, vit à Rouen le gouverneur de la province, M. de Longueville, et revint à Bruxelles avec une nouvelle proposition, qui, sans effaroucher les Espagnols, permettait de donner un témoignage de dispositions conciliantes. Il s’agissait cette fois d’envoyer Madame la Princesse, dont la grossesse était déclarée, faire ses couches à Rouen. Des lettres furent échangées[4]. Mme de Longueville avait pris la plume, insistait auprès de son frère pour faire agréer les offres de son mari ; le moment est favorable : « La moindre caresse de M. le Prince me feroit tout oublier, a dit le cardinal du fond du cœur. » Mme de Longueville avait

  1. Fils de M. de Longueville.
  2. M. le Prince au comte de Fiesque, 22 janvier 1656. A. C. (Archives de Condé.)
  3. Le même au même, 2 mars. A. C.
  4. « C’est à vos deux lettres du 13 et du 20 may que je responds », écrivait Mme de Longueville le 2 juin 1656. (Lettres inédites de Mme de Longueville, du prince de Conti et de Lenet au prince de Condé, publiées dans la Revue d’Histoire diplomatique, 1888.)