Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présentement entre les corps élus et l’administration, mais il est un ordre de réformes qui touche plus directement aux grands intérêts coloniaux. Les banques de la Martinique et de la Guadeloupe arrivent à l’expiration de leur privilège, renouvelé pour vingt ans en 187A. Le Crédit foncier colonial est en liquidation judiciaire. Le moment est venu de corriger, dans ce qu’ils ont de défectueux et d’onéreux, ces instrumens de crédit agricole, le prêt sur récolte pendante et le prêt hypothécaire, encore que les conséquences du prêt hypothécaire, si larges qu’en soient les bases, ne soient pas toutes heureuses. Il faut se préoccuper de réaliser, un peu plus fidèlement que par le passé, le principe équitable de l’équivalence en vertu duquel l’industrie de la canne à sucre devrait être traitée sur le même pied que l’industrie du sucre de betterave.

Enfin il importe, en échange de l’application du tarif général des douanes aux colonies, de considérer le café, le cacao et la vanille, surtout le café et le cacao, denrées de première nécessité, comme des produits du sol français, dispensés de payer des droits de douane à l’intérieur. Et les rhums et les tafias, ne les appellera-t-on pas aussi, quelque jour, à jouir de l’équivalence ? Quant au commerce, on doit souhaiter de le voir prochainement délivré de l’octroi de mer.

Ces réformes accomplies, nos anciennes et chères colonies des Antilles connaîtraient de nouveau, dans la paix des institutions libres, les jours heureux d’autrefois. Comme autrefois, la Guadeloupe et la Martinique, ces deux fleurons de la France d’outre-mer, rayonneraient dans les Antilles, enviées de l’étranger, objets d’amour et d’orgueil pour la mère-patrie. L’œuvre commencée en 1790 par les Amis des Noirs, qui voulaient appliquer aux colonies françaises les principes consacrés par la déclaration des droits de l’homme, n’a pas été achevée en 1848, l’esclavage aboli ; elle ne le sera que le jour où les Antilles, par un ensemble de mesures administratives et économiques, pourront entrer dans la voie d’un plein développement intellectuel, matériel et moral. Ce n’est pas à dire qu’il faille jamais souhaiter qu’elles perdent tout ce qui fait leur charme, leur originalité et leur grâce. Le pourraient-elles, d’ailleurs ? Ce que vous avez perdu dans le feu, vous le retrouvez dans les cendres. Çà ou pédi nen fé, ou ké trouvé nen sann.


MONCHOISY.