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Malet, Lahorie, Guidal, Boccheiampe, Rabbe, Soulier, furent condamnai à mort avec huit-officiers ou sous-officiers, parmi lesquels se trouvait, hélas ! le lieutenant qui m’avait fait courir d’assez grands périls, lors de ma rentrée à la préfecture, et le sous-lieutenant qui m’avait conduit à la Force, auquel j’avais prédit son funeste destin. J’avais, mais sans espoir de succès, tenté pour l’un et pour l’autre des démarches auprès du duc de Feltre. Ils furent tous fusillés le lendemain dans la plaine de Grenelle, à l’exception de Rabbe, colonel du régiment de Paris, et de Râteau, caporal dans ce même régiment, auxquels un sursis fut accordé. Je ne me rappelle pas comment Râteau obtint cette faveur, d’autant plus étonnante qu’il s’était trouvé au premier rendez-vous rue Saint-Gilles, qu’il avait ensuite rempli auprès de Malet les fonctions d’aide-de-camp, qu’on ne pouvait dès lors douter qu’il n’eût été initié au secret de la conspiration. Quant à Rabbe, le duc de Rovigo, s’étant souvenu qu’il avait fait partie de la commission qui avait condamné le duc d’Enghien, avait fait suspendre à son égard l’exécution du jugement.

Je crois qu’il avait fait aussi quelques tentatives pour que Lahorie fût épargné, mais le duc de Feltre les a rendues vaines. Voici la lettre que ce malheureux, avant d’aller à la mort, adressa à son ancien camarade. Elle est belle, noble et touchante, jusque dans les moindres mots :


« De l’Abbaye, le 29 octobre 1812.


Victor Lahorie à S. Exc. le duc de Rovigo.

« Vous vous étonnerez peut-être de recevoir encore une lettre de moi ; mais au moment, où je suis, je me rappelle avec tant de plaisir ma conduite envers vous, dans une circonstance où vous pouviez en craindre une autre, que, revenant sur d’autres temps, j’ai une sorte de besoin de me rappeler une dernière fois à votre souvenir.

« Actuellement je suis ; sans intérêt là-dessus, et, vous pouvez m’en croire, je vous assure que je perds la vie pour un éclair d’absence de jugement qui m’a fait croire une folie et non comme un conspirateur. Ma conduite l’a assez prouvé, et il est certain qu’à ma sortie de la Force je n’en savais pas plus que vous des extravagances de Malet.

« D’après ce qui m’arrive, on devrait presque croire à la fatalité ; vous vouliez absolument me jeter hors de mon pays, une sorte