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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.

Un certain nombre de nos compatriotes sont présentement en train de développer cette maxime de l’Évangile : « Celui qui est le premier parmi vous sera votre serviteur. » Dans ce mois d’août, qui est par excellence celui du travail des champs et celui du repos des villes, tandis que la plupart de ses concitoyens se donnent quelques semaines de vacances, le candidat-député s’en va, par la chaleur caniculaire, tout à tous, à travers les campagnes desséchées, la main tendue, l’œil souriant et le miel sur la langue, aimable et affectueux à plaisir. Levé dès l’aurore, de foire en foire, de commune en commune, de maison en maison, il marche, guidé par ses agens, promettant, payant et buvant.

Dans les villes, la besogne change, il faut moins de jambes, mais plus de bouche ; il faut pratiquer le cabotinage des réunions publiques, la mécanique des gestes, des lieux-communs, l’exagération de la pensée et des mots, suivie des acclamations nécessaires d’une assemblée « nullement préparée. » On doit se garder d’abandonner au hasard le soin de garnir la salle : le premier usage qu’un public populaire, un peu passionné, fait de la liberté de discussion est naturellement de la supprimer, d’interdire la parole à l’orateur qui lui déplaît. Une circonscription parisienne a fourni récemment, en la personne de M. Yves Guyot, auquel il n’a pas été loisible de se faire entendre, de nouvelles preuves de cette utilité du recrutement préalable de l’auditoire.

Les programmes, individuels ou collectifs, se sont succédé naturellement, en rangs pressés, durant cette quinzaine. Chaque jour en a vu paraître de nouveaux. Il serait impossible de les disséquer tous et superflu d’en analyser seulement quelques-uns, fût-ce ceux qui sont tombés des plumes les plus illustres, parce que la matière étant forcément banale, (toute l’originalité du monde ne parvient pas à la rafraîchir, A dire : « Il fait beau temps, » ou « Comment vous portez-vous ? »