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de l’autre, qu’elle avait bien voulu venir à la monnaie accompagnée du comte de Falkenstein. Nous revînmes coucher au Vieux-Crimée. »


« Nous partîmes le lendemain pour venir dîner à Karasbazar où l’impératrice avait déjà passé pendant que j’étais dans les montagnes. Le palais y est joli, les jardins charmans, et le prince y avait fait tirer un feu d’artifice d’une très grande beauté. J’ai entendu dire à l’empereur que jamais il n’avait rien vu de si beau. Il y avait dans le bouquet vingt mille grosses fusées. L’empereur fit venir l’artificier afin de savoir ce qu’il y avait de fusées, afin, disait-il, de savoir que commander s’il était dans le cas de faire tirer un beau feu d’artifice. Je vis répéter l’illumination qu’il y avait eu le jour du feu d’artifice ; elle était composée de cinquante-cinq mille terrines qui couronnaient toutes les montagnes des chiffres de l’impératrice. Les jardins étaient aussi illuminés ; je n’ai rien vu de plus superbe !

« L’on vint coucher à moitié chemin du pont de pierre. Le lendemain, l’on repassa les lignes de Pérékop où nous dînâmes, et nous couchâmes au pont de pierre. Nous trouvâmes près de là les mêmes Cosaques que nous y avions vus en passant. Je partis à trois heures du matin pour aller voir les terres que j’ai sur le bord du Dnieper ; ce sont les meilleurs pâturages qu’on puisse voir. J’y ai trouvé quarante-six familles et un établissement de six cents chevaux d’artillerie qui vont quitter l’endroit. J’y ai décidé l’établissement de quelques villages et j’y aurai de grands troupeaux. J’ai rejoint l’impératrice et, le lendemain, sa séparation s’est faite avec l’empereur qui passa une heure dans son cabinet, et, au moment où elle allait monter dans sa voiture, il voulut lui baiser la main ; elle s’en défendit et ils s’embrassèrent. Il marcha ensuite devant elle jusqu’au carrosse où il voulut encore lui baiser la main ; mais ils s’embrassèrent très affectueusement. Puis, l’empereur me demanda si je savais où logeait le prince Potemkin, qu’il voulait aller voir. J’allais l’y conduire, mais nous le vîmes arriver. L’empereur redescendit de voiture et alla à celle du prince qui descendit. L’empereur lui fit ses adieux et son compliment sur tout ce qu’il avait fait voir à l’impératrice et puis l’embrassa et remonta en voiture. Nous rejoignîmes l’impératrice et, après dîner, nous prîmes les devans pour venir droit ici où l’impératrice n’arrivera que demain soir. En chemin, nous avons vu un camp de six mille hommes de cavalerie commandé par le général Souwarof et, ici, nous avons eu, toute la journée, de la musique….. »