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de laquelle ils ne sauraient se passer, ni en paix, ni en guerre. »

Quant aux beaux-arts, il ne sera initié à la musique qu’autant qu’il y montrera quelque disposition ; mais il sera plus important de lui donner l’usage du crayon. Tel est « le sommaire des premières disciplines auxquelles il faut se borner pour le moment ; pour la suite, leurs altesses qui sont proches » donneront leurs instructions. C’est à elles, du reste, que, sans les importuner, il sera bon de recourir dans les circonstances délicates, en leur laissant le soin de décider. Pour ce qui regarde la nourriture et les exercices du corps, le gouverneur tiendra la main à faire observer « le tempérament qu’il verra convenir à la complexion de l’enfant qui, n’étant pas des plus robustes, doit être ménagée discrètement. » Que la conversation à table soit toujours modeste et respectueuse « et toujours attrempée de quelque entretien joli, mais utile et avantageux. » Tous les momens de la journée étant ainsi bien employés, « s’il luy reste une petite heure devant celle du dîner, ce sera bien la plus propre à l’exercer à la danse, à laquelle il est nécessaire de s’appliquer dès cette première jeunesse pour luy façonner le port et le beau mouvement de tout le corps. » Les autres exercices plus violens, comme l’escrime, le manège, la paume, viendront après. En attendant, le billard et autres petits jeux suffiront à le divertir au logis et, au dehors, la promenade en carrosse, à pied ou à cheval, selon le temps et les saisons. Le gouverneur exigera la bonne harmonie entre les personnes attachées à son altesse, gentilshommes, précepteurs, pages et valets, maintenant chacun dans l’exacte observation de son devoir. De même, comme on s’est arrangé pour les équipages, le service des écuries et la dépense de la table avec des pourvoyeurs, il faudra veiller à ce qu’ils remplissent fidèlement les engagemens de leurs contrats. Enfin, pour les détails qui ne sauraient être prévus, leurs altesses s’en rapportent à la discrétion du sieur de Zuylestein, « croyant avoir donné assez de marque de la confiance qu’elles ont en sa prudhommie en luy mettant en main la conduite d’un prince qui leur est si cher et de la bonne éducation duquel dé- pendra le restablissement de sa maison et avec le temps, s’il plaît à Dieu, une partie du bien et service de cet Estat. »

Tel était, en résumé, ce programme qui, jusque dans ses moindres prescriptions, témoigne d’une raison si haute et d’une âme si paternelle. Sauf les rares dispositions qui concernent plus particulièrement les devoirs du prince, ce programme si sensé n’était, en somme, que celui dont Huygens avait pour lui-même apprécié le bénéfice et auquel il s’était conformé pour ses propres enfans. S’il en était nécessaire, une nouvelle preuve de son expérience