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LA BELLE VIOLE.


A vous troupe légère
Qui d’aile passagère
Par le monde volez..
JOACHIM DU BELLAY

Accoudée au balcon d’où l’on voit le chemin
Qui va des bords de Loire aux rives d’Italie,
Sous un pâle rameau d’olive son front plie.
La violette en fleur se fanera demain.

La viole que frôle encor sa frêle main
Charme sa solitude et sa mélancolie,
Et son rêve s’envole à celui qui l’oublie
En foulant la poussière où gît l’orgueil Romain.

De celle qu’il nommait sa douceur Angevine,
Sur la corde vibrante erre l’âme divine
Quand l’angoisse d’amour étreint son cœur troublé ;

Et sa voix livre aux vents qui l’emportent loin d’elle,
Et le caresseront peut-être, l’infidèle,
Cette chanson qu’il fit pour un vanneur de blé.


ÉPITAPHE.


Suivant les vers d’Henri III.

O passant, c’est ici que repose Hyacinthe
Qui fut de son vivant seigneur de Maugiron ;
Il est mort, — Dieu l’absolve et l’ait en son giron !
Tombé sur le terrain, il gît en terre-sainte.

Nul, ni même Quélus, n’a mieux, de perles ceinte,
Porté la toque à plume ou la fraise à godron ;
Aussi vois-tu, sculpté par un nouveau Myron,
Dans ce marbre funèbre un rameau de jacinthe.

Après l’avoir baisé, fait tondre, et de sa main
Mis au linceul, Henry voulut qu’à Saint-Germain
Fût porté ce beau corps, hélas ! inerte et blême ;

Et jaloux qu’un tel deuil dure éternellement,
Il lui fit en l’église ériger cet emblème.
Des regrets d’Apollo triste et doux monument.