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mais la malice aimable de l’homme à qui la vie a été douce et qui lui en demeure reconnaissant. Aussi, dans ce volume, n’est-ce pas seulement un homme qui se peint, mais toute une époque avec lui, dont il aime à se souvenir et dont le souvenir l’inspire. Avec cela, dans les quelques pages qu’il a consacrées aux Domestiques au théâtre, aux Ficelles dramatiques, à la Transformation d’une légende, — c’est celle du Cid, — rien de très profond, sans doute, mais rien de pédant ; et des indications utiles, comme venant d’uû « homme de théâtre, » qui l’a toujours passionnément aimé.

Signalons encore, dans la même collection, la Petite Fée du village, de Jules Sandeau, qu’évidemment nous devrions connaître, mais que nous avons, en tout cas, tout à fait oubliée ; la Petite chanteuse, de M. Julien Berr de Turique, dont tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous avons lu du jeune écrivain de très jolies Nouvelles ; le Rubis du Grand-Lama, par M. André Laurie, long roman d’aventures, où nous avons cru voir que de jeunes lecteurs trouveraient sur le bouddhisme thibétain plus d’un renseignement instructif. Et n’oublions pas, pour finir, les deux volumes annuels du Magasin d’Éducation et de Récréation. La « Récréation » n’y tient-elle pas beaucoup de place, peut-être ? plus qu’autrefois, à ce qu’il nous semble ? Nous avons cependant remarqué dans le second volume une jolie série : Comment on dessine les enfans, d’après Hunt Rimmer, traduction de M. Courtin.

Il ne nous reste plus qu’à parler de quelques rééditions, et d’abord du volume de Portraits littéraires[1] que MM. Garnier frères ont tiré des Causeries du Lundi. Déjà les mêmes éditeurs avaient ainsi formé une Galerie de Femmes célèbres, puis une autre, puis une Galerie des grands Écrivains français, puis un Cabinet, pour ainsi parler, d’Originaux et Beaux Esprits. Ce sont aujourd’hui les Écrivains politiques et philosophes, — Condorcet, Mallet du Pan, Bonald, Joseph de Maistre, Armand Carrel, Montalembert, Tocqueville, etc., — et il faut convenir qu’ainsi rapprochés les uns des autres, s’ils ne prennent certes pas une valeur nouvelle, tous ces portraits pourtant se font valoir, et la signification s’en précise. L’air de famille ou d’opposition s’accuse ; politiques et philosophes, s’ils ont entre eux quelques traits de communs, et, dans cette communauté de préoccupations, chacun son caractère, on le voit mieux ; leurs différences aident à les comprendre. La connaissance de leur physionomie n’y est pas inutile non plus, si du moins les portraits qu’on nous donne sont vraiment ressemblans. Maine de Biran, par exemple, a le front bien métaphysique, et l’on reconnaît la roideur de Bonald dans le port de sa tête. Ils « doivent » donc être ressemblans.

  1. Galerie de portraits littéraires. Écrivains politiques et philosophes, par Sainte-Beuve ; illustré de portraits gravés à l’eau-forte par MM. Abot, Burney, Courboin, Jeannin, Manesse et Massard, 1 vol. in-8o ; Garnier frères.