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sans fausser les contrats publics ou privés et sans compromettre le crédit de l’État. C’est parce que le bill laissait à désirer sous ce double rapport qu’il considérait comme un devoir de protester par son veto. M. Hayes faisait ressortir la différence de valeur entre le dollar d’or et le dollar d’argent projeté. Il rappelait qu’il avait été entendu, lors de l’émission des emprunts des États-Unis, qu’ils seraient remboursables en or. N’était-ce pas, dès lors, faire acte de mauvaise fui que d’en permettre le paiement en argent ? Les engagemens pris par l’État étant chose sacrée, le président ne pouvait consentir à revêtir de sa signature une loi qui, à son avis, en était la négation.

Le jour même, le sénat et la chambre renouvelèrent leurs votes antérieurs, à une majorité supérieure aux deux tiers, et le bill devint exécutoire. Il eut pour effet immédiat de faire tomber le 5 pour 100 américain de 109 à 103 sur toutes les places d’Europe. Cette baisse ne s’est effacée que parce que les secrétaires du trésor qui se sont succédé depuis cette époque, ayant l’option de payer les arrérages de la dette en argent ou en or, ont toujours eu soin de les payer en or. Une tentative a bien été faite pour leur retirer cette option et les obliger à employer les écus d’argent dans une certaine proportion, mais elle n’a pas abouti. On avait toujours objecté aux défenseurs du bill Bland que les États-Unis allaient s’isoler du reste du monde, que la future monnaie américaine ne pourrait jamais dépasser le territoire fédéral ; et que dans les conventions commerciales, il ne serait pas tenu plus de compte des dollars d’argent que des greenbacks. On avait opposé à cette objection la possibilité d’arriver à une entente avec l’Europe ou, tout au moins, avec l’Union latine qui n’avait pas démonétisé l’argent ; une clause additionnelle, proposée par M. Allison, avait imposé au président l’obligation de provoquer une conférence internationale. Il importe de donner les termes mêmes de cette clause pour faire voir sur quel terrain les États-Unis se posèrent alors et se sont toujours posés quand ils ont fait appel à l’Europe. « Aussitôt après le passage de cette loi, le président invitera les gouvernemens des puissances composant l’Union latine, ainsi dénommée, et telles autres nations européennes qu’il jugerait opportun, à entrer en conférence avec les États-Unis pour l’adoption d’un rapport commun entre l’or et l’argent, en vue de donner à l’usage de la monnaie bimétallique un caractère international, et d’assurer la fixité du rapport de valeur entre les deux métaux ; ladite conférence devant avoir lieu sur tel point de l’Europe ou des États-Unis, et à telle date, dans un délai de six mois, que fixeraient les représentans des gouvernemens intéressés. »